11212. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.

[Au camp de Schmottseifen,] 16 [juillet 1759].407-4

Mon cher Frère. J'ai plaint Bredow,407-5 qui était aussi honnête homme que mauvais officier. On dirait que les Autrichiens sont im<408>mortels, et qu'il n'y a que nos gens qui meurent. Mes généraux passent l'Achéron au grand galop, et bientôt il ne restera plus personne.

Daun a ouvert la tranchée devant nous la nuit du 11 au 12, il a tiré sa première parallèle de Marklissa à Lauban; ce soir ou demain il prendra ce nouveau poste. Il établit des batteries, comme s'il voulait nous battre en brêche; cela devient fol à force d'être outré. J'ai un camp, je suis sûr qu'il m'envierait bien, s'il le connaissait; j'ai pris tous les bons postes pour moi et ne lui ai laissé que le rebut des terrains défectueux; je ne remuerai point ici qu'à bonnes enseignes. J'ai deux beaux bastions, une courtine, un ravelin, un chemin couvert et un ouvrage extérieur; la nature, par un jeu singulier, s'est complue à faire une place de guerre d'un terrain qui ne devait être qu'un champ labouré. J'ai arpenté tout le terrain d'ici à Lauban, je commence à le connaître assez joliment, et, dans quelques jours, je m'orienterai tout aussi bien ici que dans mon jardin de Sans-Souci.

Je ne vous dis rien de ce que je vous ai marqué dans le grimoire,408-1 et, selon toutes les apparences, notre correspondance va être interrompue par les troupes que l'ennemi va in[ces]samment placer le long de la408-2 Queiss.

Il y a apparence que je ferai une sotte campagne, qu'il n'y aura du brillant que pour les détachements, et que les armées se regarderont longtemps au nez les unes les autres.

Je vous prie, mon cher frère, de ne point oublier les absents et d'être persuadé de la parfaite tendresse avec laquelle je suis, mon cher frère, votre fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



407-4 Unter späteren Papieren aufgefunden.

407-5 Generalmajor von Bredow war am 12. Juli in Dresden gestorben.

408-1 Nr. 11211.

408-2 So in der Vorlage.