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11955. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A LONDRES.

Freiberg, 30 mars 1760.

Après que je vous avais fait mes deux dernières dépêches du [28] et du [29] de ce mois,1 je viens de recevoir par un exprès une ample dépêche de mon émissaire à Constantinople, le sieur de Rexin,2 dont j'ai cru devoir vous envoyer une copie toute in extenso, afin que vous soyez d'autant mieux au fait de tout le détail qu'elle comprend, et d'autant plus en état d'en former votre jugement. C'est cependant à vous seul et uniquement pour votre seule direction que je vous fais cette communication, avec défense expresse de ne faire voir ou lire à qui que ce soit la pièce et moins encore d'en donner copie, soit in extenso soit par extrait, à âme qui vive, mais de me la garder sur votre propre clef.

J'avoue, que j'ai été bien embarrassé de me décider là-dessus, vu les apparences qu'il y a, d'un côté, de l'empressement de la France pour faire sa paix particulière, et en réfléchissant, d'un autre côté, sur la façon vague dont la cour de France s'est expliquée à mon égard, comme ne voulant point traiter directement avec moi, et que le roi de France pouvait, sans manquer à ses alliés, ou recevoir les propositions ou lui en faire. A quoi j'ai combiné ce que le comte Saint-Germain a laissé échapper dans son entretien avec le sieur Yorke, savoir qu'il serait à souhaiter que le roi de Prusse voulût faire quelque chose et que !a France, étant une fois d'accord avec l'Angleterre, pourrait bien se borner à n'envoyer que les 24000 hommes ou n'offrir que l'équivalent en argent, quoique à de certaines restrictions, avec ce que d'ailleurs Voltaire m'a écrit de la part du duc de Choiseul, qu'on me demanderait pour la France la cession de la ville de Wesel et de tout le pays de Clèves.3 Par tout ceci j'ai cru m'apercevoir assez clair que, si la France, pressée qu'elle se voit, a une envie sincère de faire sa paix séparément avec l'Angleterre, elle souhaiterait bien de pouvoir la faire, au moins indirectement, à mon exclusion et se garder les mains libres ou de prêter des secours selon sa convenance, ou à me forcer de faire des cessions ou des indemnisations, soit pour elle, soit pour le roi de Pologne : articles cependant où la justice de ma cause et mon honneur feront que je n'y consentirais au grand jamais.



1 Vergl. Nr. 11947 und S. 204. Anm. 3.

2 Vergl. Nr. 11954.

3 Vergl. Nr. 11944.