<324> trouvons. Il est impossible que nous fassions actuellement, l'Angleterre et moi, quelque chose en Suède. Il faut frapper chez les grandes puissances. Vous croyez bien que j'aurais volontiers donné quelque coup aux Suédois, mais je n'ai pas été en état de le faire : je n'ai pu leur opposer qu'une poignée de monde, j'ai trop d'ennemis, et j'ai essuyé de grandes infortunes.

J'ai lieu de me flatter que les Turcs se déclareront; si cela arrive, nous regagnerons la supériorité sur nos ennemis, sinon, il faut vous attendre à quelque triste catastrophe. Cette campagne décidera de tout, et à la fin de juillet vous saurez quel sera notre sort. S'il est heureux, alors je pourrai peut-être vous assister en Suède, sinon, il faut m'oublier pour jamais.

[Federic.]

Nach dem Concept. Eigenhändig.


12064. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.

Au camp de Meissen, 7 mai 1760.

Je ne saurais me dispenser de vous communiquer les nouvelles qui me sont entrées aujourd'hui.

Voici en termes propres ce qu'une très bonne lettre de Suède me marque du 20 de mars:1 „Dans les circonstances très embrouillées ici, un échec tant soit peu considérable en Poméranie dérouterait entièrement les projets vastes du parti contraire à la cour de Prusse, et peut-être ne serait-il pas si difficile de leur y porter quelque bon coup, les efforts qu'ils feront dans la campagne prochaine, ne pouvant être considérables, faute de monde et d'argent.“

Le comte de Finckenstein me marque avoir reçu une lettre2 par laquelle on prétend savoir que la Russie ne s'était pas encore expliquée sur la jonction d'un corps de ses troupes à l'armée qui agira en Silésie, qu'on était même dans l'appréhension à Vienne que sa réponse ne soit négative; que, dans ce cas-là, on pourrait joindre 20000 hommes à l'armée suédoise; que ce corps, qui serait vraisemblablement commandé par le général Laudon, aurait pour point de réunion la Havel, pour agir dans la Marche — ce qui cependant me paraît impraticable à tous égards—; que les Russes comptaient toujours d'ouvrir la campagne par le siège de Colberg, pour assurer à leur armée les subsistances qu'elle tirerait par la Baltique.

Je vous adresse, au reste, le juif Sabatky, qui m'a donné jusqu'ici des nouvelles de l'armée russe et qui paraît avoir là de bons correspondants. Il dépendra de votre loisir de parler à lui-même, pour vous faire dire ses anecdotes, et de lui donner vos instructions sur ce qu'il aura à faire pour vous rendre des services utiles.



1 Vergl. Nr. 12063.

2 Vergl. Nr. 12065.