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12096. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.

[Au camp de Meissen, 21 mai 1760.]1

Chiffre!

La paix a été manquée, parceque le parti de Choiseul l'a emporté sur les autres; mais si les Anglais ont encore quelque avantage, les Français seront forcés de la faire ni plus ni moins.

Je vous avoue que, si je pouvais envoyer Laudon et tout son corps au Monomotapa, je le ferais; mais je n'ai pas cette science-là.

Je ne peux vous répondre du jour que notre traité sera signé à Constantinople; selon que je peux le conjecturer, ce doit avoir été du 10 au 16; mettez tout au plus le 18: il faut dix jours, pour que la nouvelle arrive à Vienne, ajoutez trois jours de conseil et trois jours pour le courrier qui apporte les dépêches à Daun, cela nous mène jusqu'au 3 de juin. Je vous le répète, comme on me l'écrit, que la chose est certaine; Dieu sait cependant ce qui peut être arrivé depuis ma dernière lettre de là-bas, qui est du 11 avril. Il paraît que les Russes se défient de quelque chose; quant aux Autrichiens, ils paraissent dans une parfaite sécurité. Ne me rendez pas responsable de la paix, et ne me demandez quand elle se fera, je suis comme un docteur : je ne sais rien.

Quant à Stutterheim, il est sûr que la besogne qu'il a, est trop forte pour lui, et qu'il s'en acquittera mal;2 d'un autre côté, il faut confesser que vous avez besoin de bons officiers, et je regarde Ramin comme le meilleur de vos généraux-majors. Faites ce que vous jugerez le plus convenable; si ce n'est pas Ramin, pensez à un autre.

Federic.

J'avoue, mon cher frère, qu'on pourrait dire à l'occasion de votre prophète3 ce que disait Joas :

« Et quel temps fut jamais plus fécond en miracles! »4 Le mal est que les miracles de notre temps ont besoin d'être refaits. Si votre prophète était inspiré, sans doute qu'il aurait dû révéler tout le projet de campagne de nos ennemis; c'est de quoi il ne dit rien. Tout le monde peut à peu près en deviner autant que lui. Il y aura cette campagne des batailles : pardi,5 quand on voit quatre ou cinq grandes puissances qui sont acharnées sur un prince, il ne faut pas beaucoup exalter son âme pour se figurer qu'on se battra. Si vous pouviez envoyer l'inspiré à Zastrow,6 il en ferait ses délices.



1 Das Datum Dach der Ausfertigung.

2 Vergl. S. 339.

3 Der Prinz hatte, Sagan 19. Mai, berichtet: „Un homme de Friedland en Bohême qui se dit prophète, vient d'arriver pour me révéler le secret que je dois vous apprendre en son nom, c'est que la paix se fera cette année, après que vos armées auront donné encore trois batailles; il prétend que c'est immédiatement de Dieu qu'il tient ce mystère.“

4 Racine, Athalie, Akt 1, Scène 1.

5 In der Vorlage: „mardi'.

6 Vergl. S. 358.