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12220. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.

[Gross-Dobritz, 26 juin 1760.]1

A mon frère Henri!

Hier j'avais le cœur déchiré par trop de passions, pour me trouver en état de vous écrire une lettre sensée; aujourd'hui que je reviens un peu à moi-même, je vous communique mes réflexions.

1° Après le malheur qui vient d'arriver à Fouqué, sûrement Laudon ne peut avoir de dessein que sur Breslau. Si donc les Russes viennent, ce sera le grand point de sauver cette capitale de la Silésie. Les Turcs doivent être en mouvement; si cela est, nous sommes sauvés, sinon, nous sommes perdus. J'ai pris aujourd'hui le camp de Dobritz, pour être plus rassemblé et en état de me bien battre, si l'occasion s'en présente, et en cas que tout ce que l'on dit et écrit des Turcs, soit vrai, pour en pouvoir profiter, quand il en sera temps.

Admirez quelle complication d'incidents a causé le malheur de Fouqué. Il marche sur Landeshut d'où il chasse l'ennemi;2 le même soir Laudon veut escalader Glatz. Après y avoir perdu 5000 hommes, Laudon lève le siège, vient et arrive à Gottesberg.3 Fouqué l'ignore, Laudon fait occuper le poste de Hartmannsdorf4 et attaque le 23 Fouqué, qui n'a que 8 bataillons, avec 30 000 hommes.5 Le reste n'est plus surprenant, mais on voit dans tous ces évènements un enchaînement de fatalités qui se suivent, et l'opiniâtreté de la fortune à me persécuter. Il me prend des impatiences de me pendre, comme aux amants de revoir leurs maîtresses absentes; mais il faut pousser le cinquième acte jusqu'au dénoûment. Vous n'avez rien à appréhender ni de Lacy ni de Daun; je vous en tiendrai bon compte, et je vous communiquerai fidèlement de quoi il sera question etc. etc. etc.

Federic.

Je vous joins ici mes nouvelles de Varsovie, autant qu'elles vous regardent.6 Dans l'incertitude où je suis encore sur ce qui est arrivé à Fouqué, et devant craindre que, s'il a souffert quelque échec, le chiffre dont il s'est servi jusqu'ici et qui a été commun avec celui dont tous les commandants des forteresses de Silésie se servent pour la correspondance avec vous et moi, ne se soit perdu, je vous envoie ci-clos un autre chiffre nouveau que j'avais envoyé, il y a quelque temps, au ministre d'État de Schlabrendorff, auquel je viens d'écrire à ce sujet,7 afin qu'il en envoie des copies à tous les commandants des forteresses de la Silésie, pour ne se servir plus d'aucun autre chiffre que de celui-ci dans leur correspondance avec vous et moi, et point plus du chiffre ordinaire allemand dont ils se sont servis jusqu'à présent.

Federic.

Der erste Theil des Schreibens nach dem eigenhändigen Concept, der zweite nach der Ausfertigung.



1 Das Datum nach der Ausfertigung.

2 Vergl. S. 449.

3 Ostsüdöstl. von Landeshut.

4 Nordostöstl. von Landeshut.

5 Berichte Zastrows vom 21., 22. und 23. Juni.

6 Liegen nicht bei.

7 Vergl. Nr. 12214.