11836. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE FINCKENSTEIN A BERLIN.

Freiberg, 14 février96-4 1760.

Je viens de recevoir votre lettre du 11 de ce mois. Par tout ce que je vois des avis que M. de Münchhausen vous communique,96-5 je crois avoir lieu de présumer qu'il n'en reçoit que de quelques correspondants qu'il entretient à Vienne, mais qu'il est peu ou point instruit de ce qui se passe à la cour de Versailles relativement à l'affaire de la paix. Ce qu'il accuse des intentions de la cour de Vienne, est assez juste et exact, et presque la même chose que le sieur de Hellen m'a apprise par le dernier rapport que j'ai reçu hier de lui.96-6 Mais il s'en<97> faut beaucoup que ce soit avec la même exactitude que le baron Münchhausen soit instruit de ce qui se passe en France. Pour vous en convaincre aussi, voilà à la suite de cette lettre deux copies de quelques avis secrets que j'ai eus en dernier lieu par quelque très bon canal de France,97-1 mais au sujet desquels je vous ordonne le dernier secret, jusques à n'en parler, ni à en laisser voir la moindre chose à âme qui vive, ni même à vos plus intimes. La moindre indiscrétion me ruinerait le canal d'où je tire ces avis, sans savoir jamais le rétablir, et ferait, d'ailleurs, des malheureux.

Quant au voyage de Magdeburg,97-2 vous saurez suivre incessamment la cour, dès qu'elle y ira, au temps que j'ai fixé pour le départ. Vous pourrez, d'ailleurs, faire devancer insensiblement et peu à peu, sans aucun éclat, ce que vous voudrez faire envoyer en sûreté à Magdeburg des papiers, des documents et autres choses de conséquence. Votre plus long séjour à Berlin n'est pas absolument nécessaire, et toute la différence pour la correspondance entre nous ne sera que de 18 lieues, au lieu que les lettres d'Angleterre, de La Haye et de Hamburg vous parviendront quasi plus tôt. Pour les élèves du Département et les commis et les clercs de la chancellerie, dont vous n'avez pas absolument besoin, il ne sera pas nécessaire que toute cette cohue, et qui fait ordinairement le plus grand éclat, vous suive d'abord. Ma volonté est même que tous les ministres du directoire-général avec tout ce qui leur est subordonné, de même que les autres ministres des différents départements, restent encore à Berlin, et ne vous suivent à Magdeburg que quand un dérangement selon les circonstances rendra leur départ indispensable. Voilà de quelle façon vous pourrez tout arranger avec le moins d'éclat qu'il sera possible.

Federic.

Nach der Ausfertigung.

Il y a de grandes intrigues à la cour depuis trois à quatre jours. Le vieux Maréchal,97-3 le maréchal prince de Soubise, M. de Puyzieulx et plusieurs membres du Conseil ont fait les plus fortes instances pour engager le Roi à donner les mains à la paix.

Pendant ce temps, le duc de Choiseul et ses partisans ont fait jouer tous les ressorts possibles pour parer ce coup; mais le Conseil s'étant assemblé, après de longues et sérieuses délibérations, il a été résolu d'envoyer un courrier au comte de Choiseul, pour qu'il ait à représenter à la cour de Vienne que le Roi est absolument déterminé à donner les mains à la paix, et qu'il faut que Sa Majesté Impériale et Royale se détermine à renoncer à ses prétentions et à nommer des plénipotentiaires pour le congrès. Le duc de Choiseul est tout déconcerté depuis ce moment. Comme il fut hier plus d'une heure et demie avec le Roi, on ne sait pas au juste ce qui s'est passé dans cet entretien; mais quelque crédit qu'il ait, on est persuadé qu'il ne fera pas changer Sa Majesté, à moins que la Marquise n'intervienne. Bien des gens<98> travaillent à faire disgracier M. de Choiseul, mais comme il a depuis une quinzaine de jours la faveur de la Sultane, on craint beaucoup que quelques courtisans ne soient la victime de son ressentiment. Comme on prévoit que la campagne aura lieu, quand même il y aurait un congrès, on fait tous les préparatifs nécessaires pour l'ouvrir de bonne heure et la pousser avec toute la vigueur possible. On parle de faire marcher une partie de la maison du Roi.

de Vienne, le 15 janvier.

Quand je fais attention à toutes les peines et à tous les mouvements que la cour se donne pour trouver de l'argent, je suis extrêmement surpris que l'Impératrice-Reine ne juge pas à propos de donner les mains à la paix. Je croyais tous les fonds prêts pour la campagne prochaine, mais il n'y en a pas la moitié. Chaque ministre se donne tous les mouvements possibles pour trouver les moyens d'emprunter des fonds, et personne n'y a encore réussi. L'Impératrice a écrit au Pape pour obtenir la permission de faire des emprunts sur le clergé ou plutôt de lever tout l'argent possible qu'elle pourra obtenir. On compte bien que Sa Majesté Impériale et Royale obtiendra ce qu'elle demande, mais cette ressource ne suffira pas. Dans ce cas, il se fera ici la même chose qu'il se fait pour l'argenterie à Paris. Chacun fournira selon son contingent. Le maréchal Bathyany, qui est foncièrement honnête homme, représenta avant-hier à l'Impératrice-Reine qu'il serait bien plus avantageux de donner les mains à une paix sûre et honorable que de continuer à répandre une quantité de sang humain. Mais ces représentations furent mal reçues. On attribue cette espèce d'entêtement au comte Kaunitz, qui est ennemi juré du roi de Prusse. Les différents états sont très mécontents de ce ministre, et ses amis, qui sont en très petit nombre, craignent extraordinairement qu'il ne soit bientôt la victime de ses ennemis. Le maréchal Daun, qui a été en réputation pendant une quinzaine de jours, se ressentira aussi de cette disgrâce, si elle aura lieu. On lève du monde dans tous les États de la Reine avec une ardeur extrême. Le comte Kaunitz compte de lever plus de 60000 hommes de recrues.



96-4 Am 13. Februar wird dem Minister ein Bericht des Generalmajors von Krusemarck, d. d. Freiberg 12. Februar, übersandt, aus welchem er ersehen werde, „was Mir derselbe wegen eines gewissen darin benannten Bürgers zu Berlin vorstellig machen müssen. Da Ich nun ausserdem vorhin schon verschiedene Anzeigen von der üblen Intention und Treulosigkeit des quästionirten Bürgers zu Berlin und seinem Verständniss und Correspondance mit denen Russen gehabt habe, so befehle Ich Euch, dass Ihr die Sache mit aller behörigen Präcaution und ohne allen Éclat noch näher examiniren, den Präsident Kircheisen [den Polizeidirector von Berlin] dazuziehen und befundenen Umständen nach solche Verfügung treffen sollet, damit dieser Bürger ganz in der Stille und ohnvermuthet mit allen seinen habenden Papieren aufgehoben und, sonder dass jemand wissen noch präsumiren könne, wo er geblieben, in enge und sichere Verwahrung gebracht und bis nach völlig geendigtem Kriege darin ganz geheim, ohne mit jemanden sprechen, schreiben oder correspondiren zu können, aufbehalten werde.“ Der Name des Verdächtigen war Treubluth.

96-5 Münchhausen hatte, Hannover 6. Februar, geschrieben, bei der wechselnden Haltung Frankreichs sei es schwer, seine wahren Absichten in Bezug auf den Frieden zu erkennen. „La cour de Vienne ne négligera rien pour profiter de cette indécision pour fomenter la guerre et augmenter par là l'embarras de la France. On m'assure qu'on répondra à la déclaration faite à La Haye que les alliés souhaitaient la paix, mais qu'il était nécessaire de convenir des préliminaires avant d'ouvrir le congrès.“

96-6 Vergl. Nr. 11834.

97-1 Die Beilagen waren vom Prinzen Ferdinand von Braunschweig eingesandt worden (vergl. Nr. 11826). — Die erste Beilage ist ein (nicht datirtes) Schreiben Rouilles (vergl. S. 67), die zweite ein Bericht des Grafen Choiseul in Wien.

97-2 Vergl. S. 93.

97-3 Belle-Isle. Vergl. S. 89.