11985. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.

Freiberg, 8 avril 1760.

Le projet de campagne que je suppose à l'ennemi, est fondé sur deux bonnes raisons que j'en puis apporter: l'une les endroits où ils établissent leurs magasins, l'autre mes nouvelles de Vienne, qui sont très sûres. Le magasin des Russes à Konitz désigne clairement le dessein d'entreprendre sur Colberg. Il y a la Persante qui coule auprès de Colberg, difficile à passer et où il faut prévenir l'ennemi; car s'il avait gagné ce poste avant nous, il serait presque impossible de secourir la ville. Voilà pour la Poméranie.

Quant aux desseins des Autrichiens sur Neisse, ils sont si clairs que voilà Beck, qui est parti de Dresde, il y a trois jours,246-1 et qui marche avec 7 ou 8000 hommes pour se joindre à Laudon.

Pour avoir 24 bataillons en Poméranie, il faudra en envoyer d'ici et de Silésie 19 et les 10 escadrons dont vous faites mention; mais qui les commandera là-bas? car il faut un général.

Quant à la paix avec la France, il m'est impossible de vous dire quand elle pourra être conclue, et, pendant ces entrefaites, le prince Ferdinand ne pourra pas nous assister. Les Russes ne pourront agir qu'au mois de juin, mais alors il faudra nécessairement, si la paix n'est pas faite, en venir là-bas à une décision, pour pouvoir opposer ces mêmes troupes ailleurs; c'est tout ce que je pus trouver de mieux à faire, à moins qu'entre ci et le mois de juin nous n'ayons quelque nouvelle d'une diversion de la part des Turcs, ce qui devrait nous obliger à une défensive vigoureuse jusqu'à ce que l'ennemi soit obligé de détacher. Si la paix avec les Français se fait, il faudra de même se tenir serré jusqu'à ce que le prince Ferdinand oblige Daun de se retirer.

Je reçois, dans ce moment, votre seconde lettre,246-2 et je vous envoie ci-joint tous ceux246-3 que j'avais destinés à être de ce corps, lorsque je voulais le mener moi-même, et tous les arrangements pris en consé<247>quence. Vous n'aurez guère de détachement, à faire contre les Russes, car ils ne détachent jamais, ils restent tous ensemble; cependant, s'il en faut faire, vous aurez Platen, Schmettau, Werner, Dingelstedt, Lossow; pour l'infanterie Ramin excellent, Gablentz et Thadden, dont vous pourrez vous servir très utilement. Le prince de Württemberg n'est point prisonnier, mais il ne pourra, par rapport à sa blessure, servir que dans deux mois, ce qui revient à peu près au terme de votre expédition; si cependant il vous en fallait un, vous pourriez avoir Zieten en cas de besoin, car Schorlemer ne vaut pas six sols.

Voilà tout ce que je suis en état de faire. Je me flatte, cependant, que votre santé se remettra; c'est la goutte qui est dans le sang, et j'espère que l'exercice l'en fera ressortir; mais, si vous la reprenez, gardezvous bien de vous saigner, et n'ayez pas honte d'une maladie de famille que nos pères et grands-pères ont eue.

Federic.

Réponse à vos demandes.

1. J'y ai répondu dans ma lettre.247-1

2. Le général Fouqué restera en Silésie.

Le lieutenant-général Platen ira avec vous, et vous pourrez prendre encore le lieutenant-général de Goltz avec vous.

3. Vous [aurez] votre commissariat, de même qu'ici; à qui je joins le capitaine d'Osten d'ici, homme habile et appliqué dans ces sortes d'affaires. Le commissariat de guerre aura soin de tous les provisionnements de l'armée; vous n'aurez besoin d'aucun général à ce sujet, puisque les magasins nécessaires sont tout assemblés à Stettin. Le pays fournira ce qui saurait être encore nécessaire. En tout cas, vous saurez vous servir à cet usage du général Queiss encore.

4. Je vous ferai payer en Saxe encore l'argent qu'il faut pour les espions et autres récompenses à donner.

5. Il y a un petit magasin à Küstrin, mais le grand magasin est à Stettin.

6. Vous aurez le capitaine ingénieur Regler, actuellement parti déjà pour la Poméranie, afin d'y lever des plans des situations et des terrains,247-2 outre les lieutenants ingénieurs Rabe et Schlott, qui feront ensemble la campagne là-bas. Le lieutenant Rabe est celui qui a levé les environs de Colberg, et qui en a une parfaite connaissance.

7. Le lieutenant-général de Forcade est marché de Berlin du côté de Stargard avec les régiments de Hülsen et de Schenckendorff et un bataillon de grenadiers encore. Ces troupes-là, tout comme celles qui<248> sont déjà à Stargard, n'ont d'autre ordre jusqu'ici que de couvrir la province contre les invasions des Russes, mais ils appartiendront à cette armée-là.

8. Mon résident Reimer, qui est à Danzig, a ordre de donner toutes les nouvelles qu'il apprendra des Russes, et, d'ailleurs, par les rapports des bourgeois des petites villes, des gens du pays et par les moyens des juifs vous pourrez apprendre tout ce qui se passe.

9. Il y a un train de 40 pontons, de chevaux et de tout ce qu'il faut à Berlin,248-1 qui pourra partir à votre ordre, quand vous le voudrez.

Le colonel Möller de l'artillerie marchera, quand vous voudrez; il y a, d'ailleurs, 20 canons de douze livres qu'il mènera, avec tout ce qu'il y faut. On paiera les prêts à ces troupes pour trois mois. D'ailleurs, le conseiller privé Kœppen à Berlin a envoyé déposer à Stettin une somme de 200 000 écus à cet usage, et le reste qu'il faut est tout prêt auprès de lui; vous le pourrez faire partir à Stettin, quand vous le trouverez à propos.248-2


Das Hauptschreiben nach Abschrift der Cabinetskanzlei; die „Reponse à vos demandes“ nach dem Concept.



246-1 Vergl. S. 245.

246-2 Das sicher vom 8. April zu datirende Schreiben ist vom Prinzen Heinrich aus Versehen „Wittenberg 8 mars“ datirt. Vergl. dasselbe bei Schöning a. a. O. S. 237. — Ueber das erste Schreiben des Prinzen vom 8. April vergl. S. 238. Anm. 1.

246-3 D. h. les noms de tous les régiments que etc.

247-1 Prinz Heinrich hatte in einer Beilage zu seinen zweiten Schreiben vom 8. April eine Anzahl von Fragen gestellt und zunächst angefragt, wer an Stelle des gefangenen und kranken Prinzen von Württemberg die Kavallerie des gegen die Russen bestimmten Corps commandiren solle.

247-2 Vergl. S. 225.

248-1 Vergl. S. 113. 156.

248-2 Mit einem zweiten Schreiben vom 8. April wird dem Prinzen eine neue und richtigere Liste der österreichischen Truppen übersandt, ferner ein Bericht Reimers, d. d. Danzig 2. April, welcher Nachrichten über den Vormarsch der Russen gegen Könitz (vergl. S. 235), und ein Bericht des Herzogs von Bevern, d. d. Stettin 4. April, welcher gleichfalls Meldungen über die Bewegungen der russischen Armee, sowie über einen Streifzug des Majors von Podewils (vergl, S. 225 und 250) gegen Könitz enthielt.