11990. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A LONDRES.

Freiberg, 10 avril 1760.

Le prince Ferdinand de Brunswick vient de m'écrire253-1 que, supposé que la paix sera faite avec la France, son sentiment était que, pour me secourir alors, il croyait ne pouvoir mieux faire pour mon service et pour le service de la cause commune que de marcher avec 40 à 50000 hommes en Franconie, en s'approchant de la Bohême, tandis qu'il laisserait 20000 hommes en Hesse qui y agiraient de façon à couvrir ses derrières. Il croit que ce mouvement ferait rétrograder bien vite l'armée de l'Empire. Daun serait même obligé de détacher une partie de son armée pour faire face à celle-ci, de sorte que par cette diversion l'on me dégagerait d'une grande partie de l'ennemi, en l'éloignant de mes États et de la Saxe ; que son armée en Franconie subsisterait aux dépens de l'ennemi et que le crédit de la maison d'Autriche baisserait, de sorte qu'elle se verrait bientôt privée des secours que les Cercles lui fournissent.

Je lui ai répondu253-2 que sur cet article-là nos idées s'étaient assez bien rencontrées ensemble, hormis qu'il fallait que je lui disse encore que,253-3 pourvu que, dans le cas supposé, il voudrait borner ses opérations jusque dans la Franconie et le Bamberg, son secours me serait insuffisant, puisqu'il ne fallait point se flatter que les Autrichiens, à moins qu'ils ne se trouveraient forcés par une nécessité très urgente, quitteraient le pays de Saxe, et qu'ils aimeraient mieux de voir menacer de quelque léger danger leurs frontières, surtout s'ils s'apercevraient, comme ils le feraient bientôt, que le Prince bornerait son entreprise dans la Franconie, que de lâcher prise et de détacher de la Saxe. Que de mon avis donc il fallait nécessairement que, le cas supposé, le Prince se jetât d'abord, la paix avec la France faite ou les préliminaires signés, avec un corps d'armée du nombre susdit de ses troupes sur la Franconie et sur le Bamberg, afin de dissiper ou de rejeter entièrement l'armée des Cercles confédérés, communément dite de l'Empire, mais que, pour me faire ressentir l'effet qu'il fallût de son diversion, il faudrait qu'il s'avançait avec son armée jusqu'en Bohême du côté d'Égre, afin d'assiéger cette place ou de faire au moins la démonstration : ce qui alors obligerait les Autrichiens de détacher vers la Bohême, et me mettrait à même de les rejeter entièrement hors de la Saxe et de les suivre dans la Bohême, afin d'obliger par là et par d'autres mesures efficaces la cour de Vienne de finir la guerre et de s'accommoder à une prompte paix.

J'ai prié le Prince pour en écrire à Sa Majesté Britannique et au<254> ministère anglais, afin d'avoir l'approbation sur mon plan que je lui ai proposé. Je me flatte au moins qu'il sera goûté de la façon que je le propose, sans quoi il serait bien triste pour moi qu'ayant fait des instances pour avoir quelque secours par mer contre les Russes, qu'on m'a refusé de la part du ministère,254-1 l'on me refuserait encore, même la paix faite avec la France, de me secourir efficacement contre les Autrichiens, de sorte que, nonobstant ladite paix, je serais obligé de supporter seul, comme jusqu'ici, le lourd fardeau de guerre avec les Autrichiens et les Russes.

Je vous écris tout ceci pour votre seule direction, et non pas pour le dire aux ministres tellement que cela se trouve couché ici, mais de voir quel usage vous en sauriez faire habilement et avec la prudence qu'il faut, afin de disposer les ministres et surtout mon digne ami M. Pitt, pour que le prince Ferdinand reçoive des ordres un peu positifs là-dessus, afin qu'il ne lui en reste plus aucun scrupule.

Federic.

Nach dem Concept.



253-1 Schreiben des Prinzen, d. d. Paderborn 5. April.

253-2 Vergl. Nr. 11989, dazu aber auch Nr. 11978 und Nr. 11981.

253-3 Das folgende ist, wie man aus dem Schreiben an den Prinzen (Nr. 11989) sieht, dort nicht so ins einzelne ausgeführt, wie der König hier angiebt.

254-1 Vergl. S. 244.