12108. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.

Au camp de Meissen, 24 mai 1760.

Les mouvements que M. Daun fait faire en Lusace au corps de Laudon et aux détachements qu'il a envoyés là-bas, ne se bornent pas à cette seule province; le corps de Hadik à Kaden et Kommotau s'est replié avec précipitation sur Prague; les troupes des Cercles sont encore à Bamberg et à Forchheim; il n'y a qu'un détachement de 1500 hommes à Plauen et peut-être un millier d'hommes du côté de Naumburg. Tous ces mouvements, qui paraissaient incompréhensibles, ont dans le fond une cause puérile; je me serais cassé en vain la tête pour la deviner, si je n'avais reçu de très bonnes nouvelles de Dresde qui m'ont expliqué cette énigme.

Voici ce que c'est. Daun s'est imaginé que le prince Ferdinand avait dessein de pénétrer en Bohême par Egra, tandis que vous marcheriez par Trautenau, pour arriver, chacun de votre côté, à Prague; dans cette appréhension-là il a formé un corps [à Jung-]Bunzlau, un autre du côté de Prague, pour déranger ce soi-disant plan. J'en suis dans la joie de mon cœur, parceque cela l'empêchera d'agir dans un moment où il pourrait me faire du mal, et que cela nous donne le temps d'attendre avec tranquillité ce qui se passera du côté des Turcs. Il nous convient, cependant, de fortifier cet homme dans une erreur qui nous est avantageuse, pour gagner le bénéfice du temps, autant qu'il sera possible; ainsi, de mon côté, je ferai marcher l'armée du prince Ferdinand, et je fortifierai l'ennemi dans toutes les opinions que des bruits vagues sur ces sortes de projets pourraient entraîner dans son esprit. Vous comprenez bien vous-même qu'en semant de fausses nouvelles de votre côté, cela ne manquera pas de produire le même effet, de sorte qu'avec une pierre nous frapperons deux coups: primo nous arrêterons les opérations des Autrichiens, secundo, leur manœuvre rétrograde arrêtera à coup sûr les Russes.

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Voilà donc du temps à gagner; cela fera toujours sept ou huit jours, et c'est un temps qui peut devenir décisif dans les conjonctures où nous nous trouvons. Je vous prie de communiquer la subsistance de ma lettre [à Fouqué],371-1 pour qu'il soit au fait de mes idées et qu'il puisse coopérer à leur réussite. Si donc vous voulez bien faire réflexion aux manœuvres de M. Daun, vous conviendrez que voici déjà deux de ses plans de campagne de dérangés, sans qu'il y ait eu de mouvement de ma part, hors celui de votre marche en Silésie, et cela me fait espérer pour l'avenir.

Je pourrais vous appliquer, mon cher frère, ces vers de la Henriade:371-2

»Et son nom qui du trône est le plus ferme appui,

Semait encore la crainte et combattait pour lui.«

Federic.371-3

Nach der Ausfertigung. Der Zusatz „Je pourrais etc.“ eigenhändig.



371-1 Nach dem Concept, fehlt im Déchiffré der Ausfertigung.

371-2 1. Gesang, Vers 147. 148.

371-3 Dem Major von Lichnowsky in Glogau wird am 24. Mai, für seine Nachrichten gedankt; er habe „recht wohl gethan“ , einen „aus Polen erhaltenen Emissaire“ an Prinz Heinrich zu schicken, und solle auch fernerhin alles, was er aus Polen erfahre, dem Prinzen Heinrich und Fouqué mittheilen.