824. AU CARDINAL DE FLEURY A ISSY.

Chrudim, 2 mai 1742.

Monsieur mon Cousin. L'appréhension que ma lettre puisse être interceptée par quelque parti des ennemis, m'oblige d'avoir recours au chiffre. M. de Chambrier le recevra par le même courrier et vous en communiquera la teneur. Je vous félicite des progrès que font les troupes françaises en Bavière; j'espère qu'elles arriveront bientôt aux frontières de l'Autriche.

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La saison n'est guère avancée ici. Je ne crois pas que les véritables opérations pourront commencer avant deux mois.

Je fais mille vœux pour la conservation de vos jours précieux, vous assurant qu'on ne saurait être avec plus d'estime que je suis, Monsieur mon Cousin, votre fidèle ami

Federic.

Mémoire.

Le premier coup d'œil de l'Europe offre un tableau de troubles, causés par des ligues puissantes d'une moitié de ce continent contre l'autre. De puissantes armées marchent de tout côté, des flottes couvrent les mers, mais plus que tout ceci, un esprit de vertige et de fanatisme chez les nations républicaines y cause une fermentation si forte qu'il est difficile de prédire ce qui en résultera.

A examiner ensuite ces grands objets plus foncièrement, on voit peu d'union entre les puissances qui forment le parti de la reine de Hongrie. Les Anglais veulent la guerre, il est contre l'intérêt de la Hollande de s'y engager, le roi de Sardaigne est à l'encan, et l'électeur d'Hanovre, avec beaucoup de mauvaise volonté, manque de résolution définitive.

Cependant, la France rassemble une armée en Flandre, où une trentaine des places les mieux fortifiées de l'Europe et les mieux fournies présentent un boulevard formidable à la mauvaise volonté de ses voisins et à l'ambition des Anglais.

Il n'y a que le pays de Clèves, situé en delà du Rhin, qui soit exposé aux maux de la guerre, et que le désir de vengeance des alliés de la reine de Hongrie ne ménagera pas.

Si l'électeur d'Hanovre, contre toute attente, prenait quelque résolution vigoureuse, on se flatte que le Roi Très Chrétien disposerait le roi de Danemark de façon que ces 12,000 hommes pour lesquels ce prince reçoit des subsides, puissent, en ce cas, se joindre aux Prussiens.

Les émissaires de la cour de Vienne tentent l'impossible pour fomenter une confédération en Pologne, dont leur intention est de se servir également contre les rois de Prusse et de Pologne. Ce qui allumerait une guerre d'autant plus ruineuse que ces troupes tartares, hongroises et polonaises ne sont proprement que des incendiaires.

Les opérations des alliés seraient fort difficiles, pour ne pas dire impraticables, en Bohême, à cause du charroi. Celles du Danube sont sûres et d'un plus grand poids, elles obligeront les Autrichiens d'évacuer la Bohême et la Moravie pour couvrir Vienne. Si l'on suit alors le courant du Danube, il est indubitable qu'on les forcera à combattre et qu'on les réduira au point d'avoir recours à la négociation.

Der Brief nach Abschrift der Cabinetskanzlei. Die Denkschrift nach dem eigenhändigen Concept.

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