833. AU COMTE DE HYNDFORD, MINISTRE DE LA GRANDE-BRETAGNE, A BRESLAU.

Chrudim, 6 mai 1742.

Milord. J'ai reçu votre lettre touchant ce qui s'est passé à Berlin avec la femme de l'aubergiste Abbé. Vous serez persuadé, Milord, que je connais assez ce que c'est que le droit des gens, et ce qui est dû aux ministres des cours étrangères, résidant chez moi, et que, si on pêche encontre, c'est toujours sans mes ordres et contre mes volontés. Mais vous devez savoir, aussi, qu'il est indécent que les maisons des ministres étrangers deviennent l'asyle des banqueroutiers et des gens de mauvaise vie, que de pareilles abus ont introduit la licence dans Rome, dont sont suivis des vols, des meurtres et des assassinats, et que la bonne police et les bonnes mœurs ont été par là entièrement détruites. Je dois de la justice à mes sujets, et si je dois les protéger dans des pays étrangers, où l'on les pourrait opprimer impunément, à plus forte raison les dois-je protéger dans ma capitale et dans le cœur de mon pays. Il me semble, Milord, que vous associez un peu mal à propos l'honneur d'une banqueroutière avec l'honneur du Roi votre maître, et le nom d'une personne prostituée avec le nom auguste d'un souverain. Vous verrez que par cet exposé cette affaire-ci change de face.

J'avoue cependant ingénument que le gouvernement de Berlin a eu tort dans la forme de l'exécution, et pour vous donner une preuve de mon équité, on vous donnera une satisfaction raisonnable, puisque vous la demandez.

Je ne puis m'empêcher de vous dire que votre lettre en général m'a fait faire bien des réflexions, car si, dans un temps où la cour d'Angleterre ne joue certainement pas le premier rôle dans l'Europe, ses envoyés tiennent des discours si fiers, avec quel ton impérieux et despotique ne parleront-ils pas, si la fortune les favorise? Ce sera à Londres qu'on verra revivre la cour de Louis XIV, et ce sera la France que l'Europe pourra regarder alors comme son unique appui et protectrice de ses libertés.

Je suis avec des sentiments d'estime, Milord, votre très affectionné

Federic.

Nach dem Concept.

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