885. AU FELD-MARÉCHAL BARON DE SCHMETTAU A FRANCFORT SUR-LE-MAIN.

Camp de Maleschau, 10 juin 1742.

Vos deux lettres du 26 et du 30 du mois de mai passé, avec celle du 2 de ce mois, me sont rendues à la fois par le courrier que Valory a reçu, et c'est avec satisfaction que j'y ai vu l'accueil gracieux dont Sa Majesté Impériale vous a reçu, et tout ce qu'elle a voulu vous témoigner sur mon sujet.

La relation que vous avez faite de la bataille de Chotusitz est assez à mon goût, mais quant à l'ordre de bataille que vous m'envoyez tant de mon armée que de l'armée de l'ennemi au jour de la bateille, je ne les trouve exacts ni l'un ni l'autre, et je ne manquerai pnt de vous faire tenir des autres plus exacts; jusque-là vous n. a communiquerez à personne ceux que vous m'avez envoyés. Le point d'opération que vous avez fait pour agir en Bavière, serait assez bon, de même que celui que Sa Majesté Impériale m'a envoyé pour les opérations à faire, si le théâtre n'était bien changé depuis votre départ d'ici, et j'ai le chagrin de vous apprendre que non seulement, à ce que Valory m'a dit luimême, l'armée sous Khevenhüller est passée en deçà du Danube, de manière qu'elle est en état de se joindre avec celles de Bohême, toute et quantefois qu'il leur plaira, mais aussi M. de Broglie, n'ayant pas Poussé le prince de Lobkowitz comme il devait, lui a laissé le temps de se retirer à Budweis, où l'armée du prince Charles, que je n'ai pu suivre de mon côté, faute à trouver de la subsistance, s'est jointe avec le corps de Lobkowitz; et ces deux armées ont après cela passé la Moldau, ont surpris la garnison française à Thein, et ont obligé Broglie de se retirer à Pisek et, de là, derrière la Beraun, ainsi que j'ai lieu de craindre pour lui, et que je me vois obligé de marcher vers Prague pour soutenir au moins cette capitale.

Voilà donc bien du changement dont j'ai bien du dépit, et il faut avouer qu'il est vrai que jusqu'à présent les Français se sont pris bien de travers de tout côté. Tout ce que le maréchal de Belle-Isle a pu arracher, en attendant, des Saxons, est quelque cavalerie, avec les uhlans, qu'ils veulent envoyer au secours de Broglie, et, pendant que le reste de leurs troupes reste à Leitmeritz, la cour de Saxe demande que je doive couvrir leur pays, si Broglie serait battu. Par toutes ces raisons, vous comprendrez aisément que ce n'est point du tout le temps de payer les 200,000 écus qu'on me demande pour Glatz, et que je crains avec raison <194>que, si l'on ne se prend d'une tout autre manière pour se défendre et agir contre un ennemi qui agit en désespéré, il faut absolument que les affaires des alliés prennent un fort mauvais train, puisqu'on ne fait rien qui vaille, pendant le temps que je fais tout pour eux, et qu'à la fin j'aurais toutes les forces de l'ennemi sur mes bras. Vous pourrez représenter cela d'une manière convenable à Sa Majesté Impériale, en disant que je gémis de ces mauvaises dispositions, par l'intérêt que je prends pour sa personne, mais qu'il est aussi temps de revenir de cette lenteur si nuisible avec laquelle on a fait tout jusqu'ici.

Le maréchal de Belle-Isle a été ici, et après un séjour de vingt quatre heures il est parti pour Dresde. J'aurais souhaité qu'il fût allé d'abord à l'armée, mais il a cru sa présence à Dresde très ncessaire. ]'attends le plus souvent de vos nouvelles, et si, en attendant, vous avez quelque chose à me mander en chiffre, vous vous servirez de celui du sieur de Klinggraeffen, jusqu'à ce que je puisse trouver l'occasion sure de vous envoyer un autre.

Les réflexions que vous faites sur notre cavalerie me paraissent justes; je les examinerai de plus près, et j'en ferai usage. Au reste, ne faut vous dire que, dans un temps où les occupations continuelles ne me manquent guère, je trouve vos relations un peu trop longues, et il me sera agréable, si vous les raccourcissez un peu, de la manière que vous me marqueriez avec quelque précision ce que vous croyez digne de mon attention. Je vous adresse ci-jointe une lettre pour Sa Majesté Impériale et je suis etc.

Si ce Pauli194-1 est habile, envoyez-le-moi, je lui payerai le voyage, et s'il me convient, je l'engagerai.

Federic.

Nach der Ausfertigung. Der Zusatz eigenhändig.



194-1 Bergrath in zweibrückischen Diensten, dessen Uebernahme in den preussischen Staatsdienst Schmettau befürwortet, um durch ihn den schlesischen Bergbau zu heben.