968. AN DEN ETATSMINISTER GRAF PODEWILS IN BERLIN.

Von dem Geh. Legationsrath Graf Otto Podewils.

Cleve, 28. August 1742.

Am 26. August in Cleve eingetroffen, hat sich Graf O. Podewils. um 5 Uhr früh auf das Schloss begeben. „J'y trouvai M. de Eichel, qui me dit que le Roi avait déjà demandé la veille plusieurs fois après moi ... Il me dit encore que par rapport à la lettre du cabinet dans laquelle le Roi me disait qu'il n'était pas trop édifié de mon peu d'empressement pour l'Empereur,260-1 il avait représenté à Sa Majesté que je n'avais pas encore reçu ses ordres à ce sujet, ainsi qu'il n'y avait pas de ma faute; à quoi le Roi avait répondu: Envoyez toujours la lettre, elle servira à l'instruire de mes intentions et à lui faire connaître à quel point je veux qu'il s'intéresse pour l'Empereur.

Tandis que nous parlâmes, le Roi fit appeler Eichel, qui ressortit un moment après et nie dit d'entrer. Je trouvai Sa Majesté à boire le café. Elle me demanda d'abord : Hé bien, que dit Stair présentement? A-t-il quelque nouvelle proposition à faire?

Je lui répondis que tout ce qui s'était passé entre nous avant mon départ, était contenu dans la dernière relation que j'avais eu l'honneur de lui écrire; qu'il était plus opiniâtre que jamais sur son système, et que je commençais à désespérer de pouvoir l'en faire revenir.

Mais, me dit-il, je comprends que c'est un homme furieux, et il faut qu'il soit fou, car il est inconcevable qu'un homme de bon sens puisse avoir des idées pareilles aux siennes.

Je lui repartis que dans les autres affaires il ne manquait pas de bon sens, ni même de génie; mais que, d'abord qu'on touchait cette corde, ce n'était plus le même homme; qu'il regardait ses idées non <261>seulement comme très raisonnables et très faciles à mettre en pratique, mais qu'il s'emportait même furieusement, quand on voulait lui en faire sentir les difficultés.

Il croit donc, me répliqua le Roi, qu'il pourra prendre tout de suite Strasbourg et les autres places?

Il en est entièrement convaincu, Sire, lui dis-je.

Mais il n'y a donc jamais été, me répondit-il; et comment peut-il s'imaginer que l'Empire voulût consentir à déclarer la guerre à la France? mais supposé que tous les États le fissent, je n'y donnerais jamais mon consentement.

Je lui répondis que j'avais tâché de lui faire comprendre qu'il ne ferait jamais entrer tous les États de l'Empire dans son système, mais qu'il m'avait répondu, comme je l'avais déjà mandé à Sa Majesté, que je lui parlais de l'Empire comme de la Chine, qu'il le connaissait mieux, et que tous les princes souhaitaient la guerre contre la France. J'ajoutai que je lui avais fait les mêmes objections, lorsqu'il m'avait parlé de son expédient que l'Empereur devait simplement consentir que l'Empire déclarât la guerre à la France, et se laisser entraîner par lui, mais qu'il m'avait répondu sur le, même ton.

Hé bien, me dit le Roi, s'il vous tient encore le même langage, dites-lui qu'il est Anglais et vous Allemand, qu'ainsi vous devez mieux connaître que lui ce qui regarde l'Empire. Il faut lui déclarer nettement que je ne me laisserai jamais entraîner dans aucune alliance offensive contre la France, ni en rien qui pût me rembarquer dans la guerre, que; je veux vivre, en repos, que je souhaite fortement de détacher l'Empereur de la France, mais que je ne crois pas la chose possible de la façon qu'il la propose. Vous lui insinuerez en même temps, comme une idée venant de vous, que vous ne pouvez pas comprendre pourquoi je m'intéresse tant pour la reine de Hongrie et pour son agrandissement, que je ne rpuis guère avoir de confiance dans une cour à qui les cessions qu'elle m'a faites 'tiendraient toujours à cœur, et qui tâcherait de les rattraper à la première occasion, mais il faut, ajouta-t-il, que vous le lui insinuiez comme de votre chef; de même, que miilord Carteret n'a point d'idées aussi outrées, et qu'il s'explique beaucoup plus favorablement pour l'Empereur. Ménagez, au reste, milord Stair aupossible, et tâchez die, lui faire comprendre que les demandes de l'Empereur, sont très raisonnables, et qu'il faut absolument contenter ce prince. Il faut voir, continua le Roi, l'effet de votre dernier ex pédient, et si la dignité de prince, fera changer Milord d'idées.

Je proposai encore à Sa Majesté de faire sentir audit lord que, s'il ne se relâchait point, la gloire de la médiation lui échapperait des mains, et qu'on en pourrait entamer la négociation autre part. J'ajoutai que, sachant combien il souhaitait de travailler à la paix et au bien de l'Europe, comme il disait ordinairement, j'espérais que ce motif ferait impression sur son esprit.

<262>

Le Roi approuva mon idée et me dit que je n'avais qu'à la mettre en exécution et me servir de tous les moyens que je croirais convenables pour avancer les intérêts de l'Empereur et faire changer milord Stair, et que je devais en toute occasion travailler pour le service de Sa Majesté Impériale.

Voilà, à peu près, tout ce que le Roi me dit par rapport à cette affaire. Sa Majesté me demanda ensuite ce qu'on disait présentement de nous en Hollande.

Je lui répondis qu'on en était très content, à l'heure qu'il est, mais qu'on ne l'avait pas été autant avant la paix conclue.

Dites-moi, sans me rien cacher, poursuivit-il, si l'on croit que j'ai bien battu l'armée autrichienne à Chotusitz?

Je lui répondis que les gens sensés et les ministres de la République en étaient très convaincus, mais que le public faisait son possible pour rabaisser les avantages que Votre Majesté avait remportés à cette glorieuse bataille; que l'esprit de haine contre les Français, avec lesquels Elle était alors dans une étroite alliance, et la passion qu'on avait pour la reine de Hongrie, en étaient les seules causes; que, sr Votre Majesté voulait se déclarer présentement contre la France, Elle serait plus aimée dans la République qu'aucun autre prince dans l'Europe.

Non, repartit-il, je n'en ferai rien. Mais dites-moi donc, d'où vient cette terrible haine contré la France?

Je lui répondis que les guerres sanglantes que la République avait eues avec cette puissance, en étaient la principale cause.

Comment les ministres autrichiens en usent-ils avec vous? reprit-il.

Je lui répondis : avec beaucoup de politesse, assez de froideur, et peu de confiance.

De quelle façon pense-t-on en général sur mon chapitre? me dit-il encore.

Je lui répondis que je né pouvais pas lui cacher qu'on le regardait comme un prince fort entreprenant; que l'augmentation de ses troupes donnait beaucoup à penser, de même que celles qu'il envoyait dans le Mécklembourg.

Mais, repartit-il, ne me sera-t-il pas permis de faire changer de quartier à mes troupes? J'avais de l'infanterie dans les bailliages que j'ai, comme vous savez, près du Mécklembourg. J'y avais de l'infanterie, et j'y fais mettre 5 escadrons de hussards. Faites comprendre cela aux députés, et que c'est tout de même que lorsque les États font changer de garnison à leurs régiments. Dépeignez moi au reste comme un prince très modéré et qui ne cherche que de vivre en paix avec tout le monde, et faites votre possible pour faire prendre cette idée au public. Vous pourrez même glisser dans vos conversations que j'ai rejeté plusieurs avantages qu'on m'avait proposés, parce que je ne songe qu'à vivre en paix, et que je ne veux plus faire des conquêtes. Vous déclarerez encore au marquis de Fénelon que je n'entrerai absolument <263>en aucune ligue offensive contre la France, ni pour cette année ni pour la prochaine; qu'en faisant la paix avec la cour de Vienne, j'avais en même temps résolu de m'en tenir exactement à ce dont j'étais convenu par rapport à Juliers et Bergue, et de ne donner les mains à rien contre Sa Majesté Très Chrétienne, quelque avantage qu'on pût m'offrir. Le Roi ajouta que je devais assurer ledit marquis, qu'il m'avait lui-même ordonné de bouche de lui faire ces assurances, et qu'il pouvait les mander à sa cour, qui y pouvait faire fond; que je devais insinuer au même que, preuve de cela, il avait rejeté plusieurs propositions qu'on lui avait faites indirectement par rapport à Juliers et Bergue; que les intrigues du marquis de La Chétardie avaient beaucoup contribué à lui faire prendre la résolution de faire sa paix, qui aurait pu être générale, si l'on avait agi avec plus de vigueur, et porté les choses, selon le plan formé, aux extrémités où elles devaient l'être, mais que, dans l'état où elles étaient, il aurait causé sa ruine sans aider les autres. Il faut encore rejeter toute la faute sur les Saxons, qui effectivement n'ont rien fait, tandis que j'ai donné deux batailles et eu plusieurs actions sanglantes. Il est de mon intérêt d'être bien avee la France; n'est-ce pas? Qu'en dites-vous?

Je lui répondis qu'effectivement il me paraissait qu'il était nécessaire de cultiver l'amitié de cette puissance, d'autant plus qu'il n'était pas apparent que la cour de Vienne oublierait sitôt que Sa Majesté lui avait ôté le plus beau fleuron de sa couronne; que d'un autre côté l'Angleterre, faisant toujours consister l'équilibre de l'Europe dans la puissance de la maison d'Autriche, ne s'opposerait pas à ses avantages et à son agrandissement.

C'est vrai, dit-il; mais d'un autre côté, il faut que la confiance avec la France ne soit que sur les lèvres. Comment vivez-vous avec le marquis de Fénelon?

Je Lui répondis : comme par le passé; que nous nous voyions très souvent, mais que le public et les Anglais n'en étaient pas trop contents et voulaient que j'en agisse avec plus, de froideur avec lui; que l'idée de milord Stair était de lasser la France dans l'incertitude par rapport aux sentiments de Votre Majesté.

Je le crois bien, me répondit-il, mais continuez de vivre avec Fénelon comme par le passé, et ne vous soucier pas de ce que les autres en disent. Après quoi il me demanda ce que je pensais de la marche de Maillebois.

Je lui répondis que je commençais à croire que cette année arriverait à temps, quoique Stair le traitât d'impossibilité et dît que c'était la plus haute folie que la France eût jamais faite.

Je suis de votre sentiment, me répondit le Roi, mais faites comprendre à milord Stair que, si même elle ne peut dégager l'armée à Prague, elle pourra toujours se joindre à celle de Bavière, qui ferait alors un corps très considérable.

<264>

Sa Majesté me parla ensuite de l'accession des États-Généraux à l'alliance,' et me dit qu'elle avait un moyen sûr en main de les contraindre à lui garanter ses nouvelles acquisitions, par l'argent qui avait été emprunté sur la Silésie. Il faut d'abord beaucoup caresser les Hollandais, me dit le Roi, pour qu'ils accèdent à l'alliance et me garantissent mes nouvelles acquisitions; ensuite de quoi nous décompterons et nous compenserons les dettes réciproques, et alors vous tâcherez de composer avec les particuliers, à qui on payera la moitié, ou plus ou moins, selon les conjonctures, de ce qu'ils ont à prétendre.

Je lui dis qu'en composant les dettes sur les rentes de la Meuse, il resterait fort peu aux Hollandais de leurs prétentions, et que je croyais que Sa Majesté n'avait pas besoin de débourser le sol.

Vous vous trompez, mon cher, me répliqua-t-il, tout ce que je puis prétendre monte environ à 700,000 (je ne sais s'il dit écus ou florins) et à la rigueur je ne pourrais pas même exiger 400,000; mais je payerai le reste de la façon que je viens de vous dire“ ....264-1

... „Il me parla ensuite encore de milord Stair, et me dit qu'il espérait qu'il ne viendrait pas à Aix.

Je lui dis que Sa Majesté aurait vu dans ma relation l'expédient dont j'avais été obligé de me servir pour l'en détourner, n'ayant pu me tirer autrement d'affaire.264-2

Mais vous avez bien fait, me répondit-il; dites-lui tout ce que vous voulez, pourvu qu'il-ne vienne pas; que vous n'aviez pas osé me demander s'il était vrai que je voulais faire un tour en Hollande, et que, quelqu'un de ma suite vous l'avait assuré de nouveau. Vous souviendrez vous, ajouta-t-il en me congédiant, de toutes les commissions que je vous donne.

Je lui répondis que je m'en acquitterais avec toute la fidélité et exactitude possible.

Voilà, Monsieur, à peu près, le précis de l'entretien que j'ai eu avec le Roi. J'ai tâché de me souvenir, le plus qu'il m'a été possible, des propres termes de Sa Majesté, et j'espère de n'y avoir rien oublié d'essentiel. Cette conversation, pendant laquelle le Roi s'est toujours : promené dans la chambre, a duré une bonne heure. Sa Majesté était <265>de la meilleure humeur du monde, et m'a dit plusieurs choses très gracieuses“ .....

O. Comte de Podewils.

Auszug aus der Ausfertigung.



260-1 Oben Nr. 946 S. 244.

264-1 Es folgen Weisungen des Königs in Betreff der Ansiedlung holländischer Capitalisten in Preussen und in Betreff der königlichen Besitzung Honslaerdyk.

264-2 O. Podewils berichtet, Haag 24. August: Stair hat ihn grfragt, ob der König nicht wenigstens ein paar Wochen in Aachen verweilen werde. „La manière dont il me questionna me fit craindre qu'il ne songeât à y faire un tour, pendant que Votre Majesté y serait, ce qui m'engagea à lui faire une fausse confidence, ne voyant pas. d'autre moyen de me tirer d'affaire. Je le pris à côté, et je lui dis que quelqu'un, de la suite de Votre Majesté m'avait mandé dans la dernière confidence qu'Elle songeait à faire un voyage ici, à Son retour d'Aix-La-Chapelle, et à S'arrêter une couple de jours à Sa maison de plaisance à Honslaerdyk; qu'il pourrait alors Lui parler, et que, quoique Votre Majesté voulût être incognito, je ferais mon possible pour lui en faire avoir audience.“