1008. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A BERLIN.

Potsdam, 13 novembre 1742.

Mon cher Podewils. La nouvelle que vous me mandez par votre lettre d'hier m'a étonné, quoique je n'en craigne rien.291-1 Il me semble que l'intrigue a existé réellement, et qu'elle a été tramée peut-être par le cardinal Tencin, pour faire sortir la France de son embarras, pour faire avoir à l'Empereur quelque morceau, et pour se venger en même temps de mon traite de paix. Il se peut qu'on en ait fait la proposition au marquis de Stainville, que celui-ci, surpris d'une proposition sur laquelle il n'était point instruit, en ait fait confidence, à quelque ami anglais, et que par là la mine ait été éventée; que le duc de Lorraine, après en avoir été instruit par Stainville, ait donné dans l'intrigue, et que ce soit la raison pourquoi la cour de Londres est estomaquée contre lui. Aussi tout ce que vous soupçonnez sur l'affaire me paraît bien pensé. Je n'en crains rien, puisque, si même la France, unie avec l'Autriche, Voulait me tomber sur le corps, elle n'est pas en état de le faire, sans que l'Angleterre continue les subsides aux Autrichiens, dont l'Angleterre pourtant se gardera bien alors. On peut conclure de tout ceci que la France nous veut du mal, et qu'il ne faut point se fier à la cour de Vienne. Pour la Russie, je suis persuadé que l'Impératrice est de cœur et d'âme pour le parti français, et le ministère pour nous et pour le parti anglais, et qu'aussi longtemps que le ministère se sou<292>tiendra, je n'aurai rien à craindre de ce côté-là; sans compter que je ne puis pas me persuader que la Russie voudrait m'entamer un-iquement pour l'amour de la France. Je me défie extrêmement de la Saxe, pour qu'elle ne tâche pas par quelque liaison avec la France ou avec l'Autriche de nous jouer pièce, et j'avoue que je crains plus une liaison de la Saxe avec la France, ou avec l'Autriche, qu'une alliance entre la France et la Russie. Il faudra donc être extrêmement vigilant, pour être au fait de tout ce qui se trame à la cour de Dresde, et il sera besoin que vous dirigiez toute votre attention là-dessus.

Ce qu'il y a à faire, c'est, à ce que je crois, de faire semblant à Valory qu'on lui est obligé de sa confidence, qu'on ne met rien de tout ceci sur le compte du Cardinal, et qu'on se fie aux assurances que Valory donne; mais je crois qu'en attendant, il sera nécessaire de lier notre parti avec les Anglais, en achevant notre traité défensif sans autre condition que celle que le roi d'Angleterre, en signant notre traité, nous donne une assurance par écrit, par laquelle il s'oblige de vouloir régler, incontinent après la signature du traité défensif, par un autre traité particulier, les convenances réciproques de nos maisons, et surtout là mienne ' par rapport à la succession d'Ostfrise et de Mécklembourg. Cette assurance donnée par écrit, Andrié pourra signer le traité défensif. Vous règlerez vos mesures là-dessus, et vous aurez soin qu'Andrié reçoive les pleins-pouvoirs et les instructions nécessaires, pour pouvoir entrer en matière. Je suis etc.

Il est à propos de conclure à présent avec l'Angleterre. Dites à Valory que, si on m'avait fait des insinuations malignes sur le sujet de la France, j'aurais pu ajouter foi à toute autre imposture que celle de Mendez; que je connais le Cardinal trop sage pour faire des propositions si humiliantes au duc de Lorraine, que si le Cardinal désirait la paix, cet expédient le plongerait dans une guerre plus opiniâtre et plus terrible que celle dont il se tirerait, et que d'ailleurs, le Cardinal sait trop bien que l'Angleterre m'a garanti ces nouvelles conquêtes, et que d'ailleurs je suis dans la persuasion que le Cardinal n'aurait pas choisi ce temps ici par préférence, s'il voulait me nuire, vu la situation de l'Europe, et que ses propres intérêts demandent qu'il ait des ménagements pour moi; qu'ainsi je le prie d'assurer son ministère que j'ai trop bonne opinion de lui pour présumer jamais de pareilles bassesses et de semblables infamies de leur part, et qu'en un mot ils blessent déjà leur réputation en s'excusant d'une action canailleuse dont ils devraient défendre jusqu'au soupçon.

Fr.

Je travaille à mes mémoires, et je suis par-dessus les oreilles dans les archives.

Nach der Ausfertigung. Die Zusätze eigenhändig.

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291-1 Es handelt sich un eine Mittheilung Valory's, dass ein portugiesischer Diplomat in Paris dem dortigen Vertreter des Grossherzogs von Toskana einen Vergleich zwischen den Höfen von Versailles und Wien auf Grundlage der Wiedererwerbung von Schlesien durch Oesterreich proponirt habe; Valory war beauftragt, der Versicherung des Portugiesen, dass der Cardinal Fleury um seinen Vorschlag wisse, ein Dementi zu geben. Das Nähere bei Droysen V, 2, 34.