1078. AU LIEUTENANT-GÉNÉRAL COMTE DE DOHNA A VIENNE.

Potsdam, 4 mars 1743.

Je ne saurais me dispenser de vous mander que, par des dépêches que j'ai eues l'ordinaire dernière de mon envoyé extraordinaire à la Haye, le comte de Podewils, j'ai été instruit d'un entretien que celui-ci a eu avec le greffier de Hollande, le sieur Fagel. Ce qui m'a paru assez étrange, c'est que, ledit comte de Podewils s'étant entretenu avec ledit greffier sur des affaires du temps, selon les ordres qu'il avait de moi, celui-ci n'a point hésité de lui déclarer de la manière la plus positive qu'il ne saurait cacher à lui, comte de Podewils, que la reine de Hongrie était en droit de demander ce qu'elle avait possédé avant la guerre; que, si elle avait cédé la Silésie, il lui en fallait au moins un dédommagement; que ceux qui avaient forcé la reine de Hongrie à céder la Silésie, devaient aussi l'en dédommager aux dépens de ceux dont les armées étaient prêtes de l'accabler, et qu'il lui fallait faire avoir absolument une satisfaction.

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Comme il y à là-dedans des choses qui ne me touchent nullement, il y en a pourtant sur lesquels j'ai lieu de penser. Et comme ces propos partent d'un ministre dont la circonspection et la retenue sont d'ailleurs connue depuis tant d'années, je crois pouvoir conjecturer avec raison qu'il n'aurait parlé si ouvertement sur de pareils desseins, s'il n'y était autorisé en quelque façon par des concerts formés.

Mon intention est donc que vous deviez parler de ces propos du susdit greffier aux ministres de la reine de Hongrie, ou là où vous le trouverez nécessaire, en leur insinuant d'une manière douce et bien polie que, quoique ces propos me donnent assez à penser, je suis pourtant trop persuadé de la bonne foi de la Reine qu'elle ne prêterait jamais des mains à des propos qui n'aboutiraient à autre chose que de rompre la bonne harmonie et l'amitié entre nous si heureusement rétablies. Que j'observerai toujours inviolablement la paix conclue avec la Reine, et que, si je me donne de la peine pour pacifier l'Allemagne, c'est toujours d'une manière qui ne soit point onéreuse à la Reine; mais que je laisse à penser que, si des propos susdits n'étaient point désavoués de sa part, si je n'avais pas raison d'être sur mes gardes et de m'opposer avec effort pour que ne lui entrât plus de secours en Allemagne, et pour prévenir de plus grands malheurs. Que je ne souhaite que de vivre dans une parfaite intelligence avec la Reine, et que j'avancerai même ses intérêts autant qu'il sera en mon pouvoir, mais que j'espère de même qu'on voudra ôter tout ce qui me pourrait donner de justes ombrages.

Vous insinuerez tout cela dans des termes les plus polis et les plus amiables que vous pourrez imaginer, et vous me ferez votre rapport exact de quelle manière on vous aura répondu là-dessus. Je suis etc.

Federic.

Nach der Ausfertigung.