1158. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A SAINT-PÉTERSBOURG.

Neisse, 2 août 1743.

Votre dépêche du 13 du juillet passé m'a été bien rendue, et j'y ai vu ce que vous me mandez au sujet des frères de Bestushew et de leur penchant pour l'Angleterre, aussi bien que pour la reine de Hongrie et pour la cour de Dresde.

Je ne doute nullement qu'à l'heure qu'il est, vous n'ayez fait usage du présent que je vous ai fait remettre pour les ministres de la Russie, à l'occasion du traité d'alliance qui vient d'être conclu entre moi et la cour de Russie, et j'attends avec impatience votre rapport sur l'effet que cela a fait sur eux: si je puis être assuré que cela les détournera au moins de ne pas entrer dans des mesures préjudiciables à mes intérêts, et quelle est actuellement leur véritable disposition envers moi, dont vous me ferez un rapport circonstancié, sans me cacher la moindre chose.

Il m'est revenu de très bonne main qu'il se négocie secrètement à Dresde une alliance offensive et défensive entre les cours de Vienne <394>et de Dresde, que les articles en sont presque tous réglés, que le comte de Keyserlingk s'en est beaucoup mêlé, et que le comte de Brühl a fait lire à celui-ci, il y a peu de semaines, le projet de ce traité, le priant pourtant d'en garder extrêmement le secret, pour que les vues cachées qu'on avait par ce traité ne transpirassent trop tôt et ne soient pas contrecarrées; et que le comte de Keyserlingk a fait là-dessus son rapport à sa cour. Comme il m'importe extrêmement d'être bien informé sur quoi roulent proprement les conditions de ce traité, et quelles en peuvent être les vues cachées, vous devez employer tout votre savoir-faire et n'épargner ni soins ni argent, pour avoir une copie de la relation que le comte de Keyserlingk a faite à sa cour au sujet de ce traité, ou au moins d'en savoir précisément le contenu, de même si les deux cours susdites ont tâché d'y entraîner l'impératrice de Russie. Vous me ferez votre rapport là-dessus d'une manière circonstanciée et telle que j'y puisse tabler. Je vous tiendrai compte de tout ce que vous dispenserez à ce sujet. En attendant, vous ménagerez au possible tout ce que je viens de vous mander à ce sujet, dont vous ne ferez point d'autre usage que celui que je viens de vous indiquer.

Comme le cas peut arriver qu'il serait absolument nécessaire que je gagne les frères Bestushews, surtout si le lord Hyndford devait relever le sieur Wich et tâcher de les attirer tout à fait dans les intérêts du roi d'Angleterre, vous me devez mander votre sentiment si, ce cas posé, il vaudrait mieux de les gagner avant les autres, ou si je dois laisser faire les autres et venir alors bien à propos pour être le dernier offrant et enchérisseur. Vous ajouterez en même temps la manière que vous croyez la plus propre pour avoir les deux frères dans mes intérêts.

Au reste, je crois qu'il ne serait pas mal fait si vous pouviez divulguer bien à propos et sous main, vers des gens indiscrets, qu'après qu'on m'eut averti que des puissances ennemies de moi tramaient quelque chose à la cour de Russie, pour qu'elle dût venir aux prises avec moi, j'avais non seulement considérablement renforcé mes troupes en Prusse, mais que j'avais même pris, par de certaines circonstances, tels arrangements que la cour de Russie pourrait regretter de s'être prise à moi, et qu'elle trouverait à qui parler si jamais l'envie la prenait de m'entamer. Vous manderez quel effet de pareils bruits pourraient faire sur l'esprit de la nation.

Federic.

Nach dem Concept.