1174. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A SAINT-PÉTERSBOURG.

Potsdam, 21 août 1743.

J'espère que ma lettre du 20 de ce mois, touchant la conspiration qu'on a découverte à Saint-Pétersbourg, vous sera bien rendue. Comme la cour de Vienne, et peut-être celle de Londres, pourraient y être impliquées indubitablement, par les intrigues du marquis de Botta, vous ne manquerez pas de vous servir habilement de cet événement très avantageux à mes intérêts, selon les ordres que je vous ai donnés à ce sujet.

Vous tâcherez de faire voir par vos amis à l'Impératrice que de toutes les puissances de l'Europe, c'est moi sur l'amitié sincère de qui elle doit compter le plus, intéressé comme je suis, pour sa conservation, qu'elle ne soit pas. renversée du trône par le petit Iwan, qui serait toujours une créature de la cour de Vienne, dont l'Impératrice a maintenant des preuves en main de ses mauvaises intentions, par la conduite de son ministre, le marquis de Botta, qui certainement de sa propre tête n'aurait jamais entrepris de se mêler d'une pareille intrigue, s'il n'avait pas eu des instructions secrètes de sa cour pour cela; ce qui devrait faire ouvrir les yeux à l'Impératrice sur ce qu'elle doit attendre de la <408>reine de Hongrie, et le besoin que l'Impératrice a de se lier plus étroitement avec moi.

Il sera même à souhaiter, aussi, que vous puissiez vous servir de cette occasion et du canal du sieur Lestocq, pour culbuter les frères Bestushew, qui, entièrement attachés à l'Angleterre, seront dans le fond de leur cœur toujours de mes ennemis secrets, quelque mine qu'ils fassent dans leurs détresses du contraire. Mais il faudra de toute nécessité que vous vous y preniez d'une manière bien fine, afin que, si vous deviez échouer dans votre tentative, vous ne vous rendiez les deux Bestushew irréconciliables, et n'ayez le même sort que Chétardie et sa cour, par les intrigues de ces deux frères s'ils restaient en place.

Enfin, il faut de deux choses une, ou que les Bestushew soient culbutés, ou que vous les gagniez, par toutes les façons, pour mes intérêts. Vous tâcherez surtout de cultiver de plus en plus la confidence et l'amitié du sieur Woronzow, et vous mettrez tout en œuvre pour écarter le parti autrichien, anglais et saxon, de manière que je tienne seul le haut bout à la cour russienne.

Il m'importe beaucoup que vous exécutiez bien mes ordres; c'est le moyen de vous attirer de moi une reconnaissance éternelle.

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.