1186. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A SAINT-PÉTERSBOURG.

Potsdam, 7 septembre 1743.

J'ai vu par votre dépêche combien l'Impératrice s'intéresse pour le prince George de Holstein-Gottorp, pour qu'il ait le Tégiment de Holstein que je viens de prendre dans mon service, et les propos que le baron de Brummer a tenus là-dessus. Les arrangements que j'ai déjà faits au sujet de ce régiment, avant que d'être informé des intentions de Sa Majesté Impériale, et la considération que ledit prince a plus d'inclination pour le service de la cavalerie, sont des obstacles qui m'empêchent que je puisse me prêter à ce sujet aux désirs de l'Impératrice. Cependant, pour marquer en tout l'attention particulière que j'ai pour tout ce qui lui peut faire plaisir, je fais actuellement des arrangements pour que ce prince doive être pourvu incessamment d'un régiment de dragons, ce que vous pourriez déclarer à la cour où vous êtes, me flattant au reste que Sa Majesté Impériale en sera satisfaite.

Je viens d'être informé, d'une manière à n'en pouvoir douter, que la cour de Saxe se donne sous main et en secret beaucoup de mouvements pour faire agréer à l'Impératrice un mariage entre le grand-duc de Russie et une princesse fille du roi de Pologne. On a chargé à cette fin le baron de Gersdorf à son départ pour Pétersbourg d'un portrait de la princesse Marie-Anne, et le comte de Keyserlingk, plus dévoué aux intérêts de la cour de Dresde qu'à ceux de la Russie, et très sûrement, à ce qu'on sait, pensionnaire du roi de Pologne, travaille avec ardeur pour faire réussir ce mariage. Il est vrai que je suis averti en même temps que l'Impératrice doit être encore bien éloignée à goûter ce mariage, et que, lorsqu'on lui en a fait l'ouverture, elle se doit être excusée d'y répondre catégoriquement, sous prétexte de la grande <417>jeunesse du Prince son neveu. Toute cette apparence que l'Impératrice n'agrèera point ce mariage, ne doit cependant relâcher rien de l'attention que je vous ai ordonné de prêter pour que le Grand-Duc ne soit pas marié à une princesse d'une maison envieuse de moi ou contraire à mes intérêts, et vous devez travailler de votre mieux pour éloigner même l'apparence d'un pareil mariage. C'est pour cela qu'il faut insinuer adroitement tant à l'Impératrice qu'aux sieurs Woronzow et Lestocq, que, selon moi, l'intérêt de l'Impératrice demande absolument, si elle veut rester la maîtresse du Prince son neveu, qu'elle ne le marie jamais à une princesse d'une grande et puissante maison, mais au contraire à une princesse d'un des princes médiocres de l'Allemagne, qui aurait alors toute l'obligation à l'Impératrice seule d'avoir fait sa fortune, et qui ne lui pourrait jamais causer de l'ombrage ni former un parti contre elle.

Federic.

Nach dem Concept.