1199. POINTS SUR LESQUELS LE MINISTÈRE PRUSSIEN DOIT TRAVAILLER.

Potsdam, 27 septembre 1743.

Il est d'une nécessité absolue que la paix générale ne se fasse point à l'exclusion de la Prusse, ou, pour le dire en un mot, il faut que la Prusse fasse la paix comme bon lui semble; premièrement, pour consolider par toutes les garanties des puissances de l'Europe l'acquisition de la Silésie; en second lieu, pour s'attacher les princes de l'Allemagne et l'Empereur; en troisième lieu, pour arracher cette palme aux mains du roi d'Angleterre, que la Prusse doit toujours regarder comme étant par principe ennemi de l'agrandissement et de la prospérité d'un voisinage aussi redoutable; ensuite, par tous les avantages que l'ouvrage de la paix peut procurer à la Prusse pour ses prétentions, pour cent petits arrangements, et principalement pour l'influence considérable que cette médiation nous donnera pour un empereur futur à élire ou à réprouver dans la suite du temps.

Il est encore une réflexion bien puissante, et qui, si je dois le dire, est la principale de toutes. Elle regarde l'envie démesurée que témoigne la cour de Vienne de dépouiller l'Empereur de la Bavière, ce qui sousentend la seconde intention, de l'obliger, par cette destitution de tout secours, à résigner la dignité dont les Électeurs l'ont revêtu: si la Prusse souffre cette abdication, il vaut autant se livrer, pieds et poings liés, entre les mains de ceux qui sont ses plus irréconciliables ennemis.

<425>

Il s'agit donc de savoir quels sont les vrais moyens qu'il faut employer pour parvenir à ce but salutaire pour l'Europe, glorieux pour la Prusse, et utile encore pour la Prusse. Les voies de la négociation ont échoué jusqu'à présent, et des négociations sans armes font aussi peu d'impression que des notes sans instruments. Il s'agit donc de donner du poids et de la valeur aux propositions de médiation que l'on veut faire, et il s'agit de mettre une armée en campagne à l'abri du nom de l'Empire. La grande difficulté se rencontre à réunir tant de têtes différentes, et à faire comprendre à la partie intéressée le péril où elle s'expose si elle agit autrement. Mais comme les raisons des maux à venir touchent moins que l'intérêt présent, il serait fort difficile de faire résoudre certains princes à fournir leur contingent, si l'on ne trouve le moyen de leur fournir de l'argent en même temps. C'est ce qui tomberait sur l'Empereur, ou pour mieux dire sur la France. H faut donc que l'on instruise les ministres de l'Empereur pour qu'ils dressent un plan à cette fin et l'envoyent à Versailles, pour que l'on donne des subsides, sous le nom de l'Empereur, au Palatin, à la Hesse, un présent à la duchesse de Wurtemberg, une corruption pour la philosophique duchesse de Gotha etc.

Si l'on prend dès ce jour des arrangements en conséquence, je pourrais au mois de juillet de l'année 1744 me trouver à la tête des plus considérables forces de l'Empire, et obliger par conséquent le roi d'Angleterre et la reine de Hongrie de recevoir les conditions de paix qu'on leur prescrira. Les Hollandais se joindront à l'Empire, et la maison prussienne sera l'arbitre d'un arrangement qui fixera pour une période la situation de l'Europe. Tout donc ce qui peut avoir connexion à ce plan doit être pris vivement à cœur par le ministère prussien, et il doit travailler nuit et jour pour raffiner encore sur d'autres moyens' qui peuvent y contribuer.

Federic.

Nach der eigenhändigen Aufzeichnung.