1253. AU LIEUTENANT-GÉNÉRAL COMTE DE DOHNA A VIENNE.

Berlin, 12 novembre 1743.

Votre dernière dépêche, qui est du 2 de ce mois, n'offrant rien sur quoi vous ayez besoin d'instruction, je vous dirai qu'ayant chargé le comte de Finckenstein de s'éclaircir avec le lord Carteret sur ce que — quoiqu'il l'eût positivement assuré d'avoir envoyé à la cour de Vienne les propositions de l'Empereur pour la paix — les ministres de cette cour niaient fort et ferme de n'en avoir aucune connaissance, il m'a été aisé d'apercevoir par les réponses vagues et entortillées dudit lord qu'il a en effet négligé de communiquer ces propositions au ministère de Vienne, ou, pour mieux dire, qu'il les lui a cachées tout exprès, pour ne pas nuire à la négociation avec la cour de Turin. Il n'a pas même fait difficulté d'avouer au comte de Finckenstein, que c'était-là la principale raison qui l'avait empêché de pousser la paix de l'Empereur avec la même vivacité qu'il aurait fait en toute autre occasion, n'osant surcharger la charrette, de peur de la briser; ce qui veut dire en d'autres termes qu'il avait craint d'informer la cour de Vienne des facilités que l'Empereur lui offrait pour sortir d'affaire avec lui, de peur qu'elle ne regimbât contre les sacrifices qu'on la forçait de faire en Italie, et qu'un bon accommodement avec l'Empereur lui eût épargnés. Il est vrai que cela cadre parfaitement bien avec le système de la cour britannique, <467>dont le grand but est d'obtenir des conditions avantageuses pour le commerce de ses sujets en Amérique, et qui, par conséquent, fera toujours dépendre la pacification de l'Empire et de la reine de Hongrie de celle qu'elle pourra moyenner avec l'Espagne, sans se mettre alors fort en peine si la Reine parvient ou non à ses désirs, pourvu que l'Angleterre y trouve son compte.

Toutes les démarches du ministère-britannique marquent ce plan si clairement qu'il n'est presque pas possible de s'y méprendre, et je ne saurais m'imaginer que la chose ait échappé à la pénétration de ministres aussi éclairés que ceux de la cour de Vienne, ni qu'ils fussent assez indolents pour n'y pas faire réflexion.

Vous ne ferez pas mal de les mettre adroitement et sans affectation sur ce chapitre, en leur faisant naître ces idées comme une suite naturelle des réflexions qui se présentent sur ce sujet, et de me rendre un compte exact de leur façon de penser et de s'exprimer là-dessus.

Federic.

H. Comte de Podewils. C. W. Borcke.

Nach der Ausfertigung.