1275. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A SAINT-PÉTERSBOURG.

Berlin, 2 décembre 1743.

Je viens de recevoir votre relation à mes mains propres, en date du 16 du mois de novembre passé, et j'y ai vu avec beaucoup de satisfaction le train favorable et souhaité que mes affaires commencent à prendre là où vous êtes, et je me flatte que cela ne discontinuera point, par les soins que vous y mettrez. Je suis persuadé que vous ne manquerez point de prendre votre temps pour miner le frère cadet, et je comprends assez les raisons pourquoi cela ne peut point-finir tout d'une haleine. En attendant, vous faites fort bien de presser au possible les ministres et vos amis de mettre la dernière main à l'acte de garantieréciproque, dont je me flatte d'avoir bientôt de bonnes nouvelles.

Je me serais attendu à toute autre chose qu'à la nouvelle qu'on vous a communiquée, touchant la demande que le ministre saxon a faite à l'Impératrice pour qu'elle accordât un corps de troupes réglées et de Cosaques et de Kalmouks; et autant je suis charmé de la réponse que Sa Majesté Impériale y a donnée,480-1 autant je suis intrigué de savoir sous quel prétexte la cour de Dresde a pu faire une pareille demande, et le véritable but où elle peut viser par cette démarche, elle qui vit en paix avec tous ses voisins, qui n'a rien à craindre, d'eux, qui par l'impossible ne peut méditer des desseins contre la nation polonaise et qui a de la peine à entretenir les troupes qu'elle a sur pied. C'est pourquoi vous redoublerez vos efforts pour être instruit à fond sur le prétexte dont le ministre saxon a coloré cette démarche, et vous n'oublierez pas de m'en faire votre rapport circonstancié.480-2

La manière obligeante avec laquelle Sa Majesté Impériale s'est expliquée à différentes fois sur mon sujet,480-3 m'a charmé extrêmement; aussi devez-vous la fortifier là-dessus, en l'assurant de la haute considération que j'ai pour sa personne, et de l'amitié inaltérable et étemelle que j'aurai pour elle, et on ne peut dire rien de plus juste que que ni elle ni moi n'avons à craindre de nos envieux, si nous sommes bien ensemble.

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Je viens d'ordonner au sieur Vockerodt d'écrire son sentiment au sieur Lestocq de la manière que celui-ci l'a souhaité, touchant une dispense à donner du Synode, afin de pouvoir marier le Grand-Duc avec la princesse d'Anhalt-Zerbst, et je suis fort satisfait de la manière dont vous vous êtes pris pour Faire réussir ce mariage. Je ferai même des insinuations à la mère de la princesse de Darmstadt, pour que celle-ci apprenne la haute danse, si tôt que j'aurai des assurances plus positives sur la réussite d'un pareil mariage, sans quoi j'exposerais les parents de cette princesse à bien des chagrins, si je leur proposais une affaire dont la réussite était encore tout-à-fait incertaine. En attendant, j'ai fait quelques insinuations à la mère de la princesse d'Anhalt-Zerbst pour que celle-ci apprenne la danse haute.

Au reste, aussi content que j'ai été de tout ce que vous venez de me mander, autant j'ai été affligé de ce que vous me mandez sur l'état triste de votre santé, et je souhaite ardemment de savoir plus en détail vos incommodités, avec ce que vous craignez des suites, et de quoi vous périssez de jour en jour. Aussi ai-je ordonné à mon premier médicin, le conseiller de la cour Eller, de s'informer par écrit là-dessus soigneusement-auprès de vous et de vous assister de ses conseils. C'est pourquoi vous ferez très bien de lui faire envoyer un écrit bien circonstancié sur l'état de votre santé, sur vos incommodités, et sur les remèdes que vous avez pris jusqu'à présent. Tout ce que je vous prie au reste, et que je vous ordonne même, c'est que vous devez avoir soin de votre santé et la ménager au possible, pour me conserver en votre personne un ministre qui m'a rendu et me rend de si fidèles services, que je ne mettrai jamais en oubli, et de qui et de sa famille j'aurai toujours soin.

Federic.

Nach dem Concept.



480-1 Mardefeld hatte berichtet, die Kaiserin habe ihren Ministem Vorwürfe gemacht, weil sie den Vorschlag des sächsischen Ministers nicht augenblicklich zurückgewiesen.

480-2 Mardefeld's Antwort (21. December) enthält über den Anlass der sächsischen Forderung nichts. Der Baron von Gersdorf habe der Kaiserin versichert, sie werde durch die Sendung von 20,000 Mann den König von Polen sich für ewig verpflichten, der Unterhalt der Truppen werde Russland nicht das geringste kosten. „On sent bien que l'Angleterre les a voulu payer. Rien n'inquiète tant la cour de Saxe que la grande puissance de Votre Majesté.“

480-3 Bericht Mardefeld's, 16. November: „Il est avéré qu'à cette heure Votre Majesté a la préférence par-dessus toutes les autres puissances dans l'esprit de l'Impératrice, et quand on lui fait appréhender qu'elle se pourrait brouiller avec tel ou tel prince, elle répond à l'ordinaire : qu'importe? je suis bien avec le roi de Prusse.“