<119> mon ministre comte de Finckenstein pour l'adresser par un courrier exprès, supposé que le courrier anglais n'allât pas en droiture retourner en Angleterre, chargé qu'il est, à ce qu'il a dit, de faire encore un tour auprès du prince Ferdinand de Brunswick. Dès que donc cette lettre vous parviendra, vous ne manquerez pas de la présenter incessamment avec des compliments convenables et les plus fortes assurances de mon amitié sincère et invariable. Pour les ministres et en particulier milord, Holdernesse, il serait superflu de vous instruire sur ce que vous leur direz en compliments des plus affectueux de ma part pour toutes les attentions qu'ils me marquent, et de l'extrême satisfaction que j'ai de leurs bonnes intentions à mon égard.

Quant à la lettre antérieure que Sa Majesté Britannique m'a faite dont vous m'avez envoyé la copie, et que les ministres anglais ont adressée à M. Mitchell pour me la présenter,1 il faut que je vous avertisse que, ce ministre n'étant point arrivé jusqu'à présent ici, mais encore en arrière à Glogau, je ne suis pas encore en possession de cette lettre, et voilà la seule raison pourquoi j'ai fallu suspendre jusqu'à présent d'y répondre, croyant être contre la bienséance de faire réponse à une lettre que je n'ai pas encore reçue; circonstance dont je vous ai prévenu déjà par ma dépêche antérieure de celle-ci.

Après tout ceci, il faut que je vous parle tout naturellement de ma situation pour vous dire que, malgré toutes ces circonstances, et nonobstant ma bataille gagnée, vous me devez regarder comme perdu l'année qui vient, si la guerre continue alors. Pour me sauver, il ne reste que trois moyens : le premier, s'il sera possible et en notre pouvoir de séparer la France de ses alliés présents, auquel cas je crois qu'on parviendrait bientôt à une pacification générale; le second moyen serait, si l'on pourra détacher la Russie des Autrichiens, mais voilà une chose à laquelle je ne vois nulle apparence; en troisième lieu, si l'on saura faire remuer réellement les Turcs contre les Autrichiens.

Vous devez croire pour certain que je ne vous déguise rien, mais que je vous écris la vérité toute naturelle, afin que vous preniez la première occasion possible pour entrer confidemment avec mes amis dans le plus profond détail sur tout ceci. S'il n'arrive rien de tous ces trois susdits moyens, vous devez certainement croire que nous serons positivement culbutés l'année qui vient. Il s'en faut beaucoup que toute ma bonne volonté, mes efforts et tout ce que je saurais faire humainement possible, sera suffisant de me soutenir contre cette affreuse multitude des ennemis que j'ai vis-à-vis de moi, et qui m'assaillent de tant de différents côtés. J'ai mis en campagne cette annéeci 90000 hommes qui ont été obligés de combattre contre 232000 hommes d'ennemis. Je doute encore et ne crois pas que je saurais assembler un pareil nombre de troupes l'année qui vient, et vous ne



1 Vergl. Nr. 12533.