12651. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A LONDRES.

Leipzig, 29 janvier 1761.

La dépêche que vous m'avez faite du 16 de ce mois,203-2 m'a été fidèlement rendue. Je suis bien fâché de ce que les vents contraires n'ont pas permis que ma lettre que je vous avais fait expédier le 3 du mois présent203-3 par un courrier, ne vous fût déjà arrivée; comme je me persuade qu'elle le sera effectivement à présent, et vous en aurez vu que j'ai prévenu les ministres anglais, autant qu'il m'a été possible, sur ce qu'ils ont désiré si fort de savoir de moi au sujet du 3. article du précis que vous m'aviez envoyé, et particulièrement sur ce qui regarde le subside que je demanderais, le cas existant, de l'arrangement proposé. Voilà donc pourquoi je ne saurais que vous renvoyer sur tout ce que comprend ma susdite lettre, sans pouvoir à présent y ajouter de nouvelles instructions.

Je ne saurais, d'ailleurs, vous laisser ignorer que le sieur Mitchell,<204> m'ayant parlé hier, m'a dit qu'en conséquence des instructions qu'il venait de recevoir de sa cour, les ministres anglais avaient été choqués en quelque façon de quelques termes compris dans l'extrait que vous leur aviez communiqué de la dépêche que je vous avais faite du 28 du décembre passé,204-1 servant de réponse au susdit précis : savoir, qu'on ne saurait douter de mon inclination à me prêter aux vues de l'Angleterre. Sur quoi, les ministres croyaient que c'était, au contraire, l'Angleterre qui s'était prêtée à mes vues pour faire sa paix.

A cela je vous dirai que tout ce qu'il y a de critiques grammaticales en ceci, vous ne devez point chicaner là-dessus, et si les ministres susdits marquent de la délicatesse sur l'expression mentionnée, il m'est bien indifférent si l'on explique ce terme comme quoi c'était l'Angleterre qui s'était prêtée à mes vues, ou moi aux siennes. En passant, je veux cependant vous faire souvenir que, par une de vos dépêches antérieures, vous m'avez marqué expressément le grand désir des susdits ministres pour finir cette [guerre], à laquelle leur fonds ne saurait plus suffire que pour la campagne de l'année présente,204-2 de sorte qu'il fallait que l'Angleterre recourût à la paix d'une façon ou d'autre, et que, par conséquent, je crois qu'il n'y a point de faute de ma part, quand j'avais dit que je me prêtais aux vues de l'Angleterre. Mais je vous le répète encore que vous ne devez point chicaner dans ceci sur les termes.

Il y a, d'ailleurs, une autre expression dans l'article 3 de votre susdit extrait qui, au dire de M. Mitchell, doit avoir blessé la délicatesse des ministres, savoir que le roi d'Angleterre devait selon moi fournir en compensation d'un traité séparé entre la France et la Grande-Bretagne pour mon204-3 assistance toutes les troupes allemandes qui se trouvaient à l'armée alliée. Sur cela, il faut que je vous dise que ma dépêche du 3 de ce mois vous aura suffisamment expliqué que ce n'est point moi qui pense à prescrire à l'Angleterre le nombre des troupes allemandes que, sa paix particulière faite avec la France, elle me doive fournir, et que c'est plutôt des ministres anglais que j'attends encore la décision sur le nombre d'un corps de troupes allemandes que leur situation leur permettra de me fournir, le cas en question présupposé. La supputation des frais pour entretenir un pareil corps que j'ai fait joindre à ma lettre du 3, me justifiera sur ceci, et c'est par conséquent que j'attends encore avec empressement vos nouvelles sur le nombre des troupes de ce corps que les ministres auront déterminé là, afin de pouvoir m expliquer alors en conséquence. Il y aurait bien des choses à dire sur le terme de compensation, mais je passe cela ici, étant assuré que votre pénétration vous fournira assez de raisons pour justifier ce terme, mais qu'il vous soit dit encore une fois de ne point chicaner en ceci sur les expressions grammaticales.

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Au surplus, si le sieur Mitchell s'est bien expliqué envers moi, j'ai compris de lui que, comme les ministres anglais ne sauraient pas disposer des troupes de Brunswick-Wolfenbüttel et de celles de Hesse comme ils sauraient le faire de celles du Hanovre, il faudrait que j'entamasse moi-même une négociation avec ces deux cours, pour qu'elles continuassent à me donner leurs troupes contre des subsides qui leur seraient payés par moi. A cela il faut que vous conviendrez vous-même de toutes les difficultés et longueurs qu'une pareille négociation entraînerait, si elle devait être entamée séparément de ma part, et qu'il vaudrait infiniment mieux que, le cas existant, elle fût entamée par l'Angleterre; que, néanmoins, j'appuierais et presserais de ma part, autant qu'il le sera en mon pouvoir. Mais si, contre toute mon attente, les ministres anglais devaient insister invariablement sur cet article, je serais bien obligé à me prêter à leur désir, mais j'espère aussi qu'alors ils voudront aussi appuyer et seconder avec empressement cette négociation de ma part, sans quoi elle n'aboutira sûrement à rien. Car comme c'est l'intérêt seul qui mène les susdits Princes à fournir leurs troupes, et par un égard particulier pour l'Angleterre, ils ne voudront jamais me les donner à meilleur marché qu'à celui auquel ils les ont fournies jusqu'à présent à l'Angleterre, pour m'en servir contre la maison d'Autriche.

Je finis cette dépêche par vous faire observer que, quand je vous ordonne de lire in extenso aux ministres anglais une dépêche, tout comme je l'ai fait au sujet de celles dont il est question présentement, vous ne devez point hésiter à l'exécuter à la lettre, ni n'en donner des extraits, qui me paraissent avoir donné heu à présent de tout ce pot - pourri.

Je presse le prince Ferdinand, mais en vain. Voilà encore un de mes détachements qui a été obligé de se replier avec perte de Sangerhausen,205-1 le tout parcequ'il n'y a point de concert entre nous. Je commence à me lasser furieusement des hoquets de vanité de Son Altesse Sérénissime, et s'il ne veut entendre à rien aux choses qui sont utiles à la cause commune, je retirerai mon épingle du jeu et l'abandonnerai à son sens pervers. Voilà d'un autre côté 8000 Russes de rentrés en Poméranie : avouez que je suis chargé de l'ouvrage de Pénélope. Dieu ! que j'en suis las!

Federic.

Nach dem Concept. Der Zusatz eigenhändig auf der im übrigen chiffrirten Ausfertigung.

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203-2 Eichel schreibt mit Bezug auf diesen Bericht am 26. Januar dem Minister Finckenstein, der König habe „vor gut gefunden, nichts eher darauf zu antworten, bevor Sie von M. Mitchell nicht gehöret hätten, was er zufolge der von seinem Hofe erhaltenen Ordre deshalb anzutragen habe. Inzwischen haben des Königs Majestät mir befohlen, die dem Herrn von Knyphausen vorhin schon zugesandte Ausrechnungen (vergl. Nr. 12619) nochmalen abschreiben zu lassen und selbige dem Herrn Mitchell zuzustellen.“

203-3 Nr. 12619.

204-1 Nr. 12608.

204-2 Vergl. S. 162. Anm. 2.

204-3 In der Vorlage: „son“ .

205-1 So, statt „Sondershausen“ . Der Oberst Lölhöffel hatte sich von dort gegen Kelbra zurückgezogen, nachdem das zu seinem Corps gehörige Bataillon des Freiregiments Wunsch am 26. Januar von französischen und sächsischen Truppen in Ebeleben überfallen und gefangen genommen worden war. Vergl. Tempelhoff a. a. O. Bd. V, S. 11.