<124>que je fasse la levée du bouclier, puisqu'il est de toute nécessité que la France, par les opérations vigoureuses qu'elle fera, tâche d'éloigner autant qu'il est possible les troupes autrichiennes de la Bohême, afin que, lorsque je commencerai d'agir, j'aie le temps qu'il me faut pour me rendre maître de la ville de Prague, avant que l'armée autrichienne la puisse secourir; car, sans cela, vous conviendrez vous-même que tout mon dessein serait culbuté. H sera même nécessaire que nous nous concertions, d'une manière stable et solide, de ce que les troupes impériales et celles de la France feront alors, lorsque j'entrerai en Bohême ; car, si nous voulons finir bientôt, il faut qu'on aille alors de toute part à la besogne, pour ne pas laisser le temps à l'ennemi de se reconnaître ni de tomber avec des forces supérieures ou sur l'un ou sur l'autre.

J'ai trouvé excellent le plan du camp que vous avez pris auprès de Philipsbourg, et je suis persuadé que, pourvu que les ordres que vous donnerez soient bien exécutés, l'armée impériale n'aura point à craindre quelque insulte dans la position de son camp. Je trouve fort juste tout ce que vous me mandez des desseins que les Autrichiens puissent avoir en occupant le camp de Neckar-Ulm.

J'ai été charmé d'apprendre que Sa Majesté Impériale est contente sur le chapitre de la nécessité de faire subsister mes troupes en Bohême et des assurances que je lui ai données par rapport à Prague. Si je me suis expliqué d'avance sur tous ces sujets, mon intention n'a été autre que de tâcher d'écarter, avant le commencement de mes opérations, tout ce qui pouvait occasionner de la jalousie ou de mésintelligence entre l'Empereur et moi, n'ayant rien tant à cœur que de m'acquérir une confiance parfaite de la part de Sa. Majesté Impériale. Quoique j'espère que, si d'un accord commun nous poussions l'ennemi de toute part, lorsque mes opérations seront commencées, et que, si nos entreprises sont bénies d'un heureux succès, la guerre ne saurait guère durer longtemps, je crains néanmoins fort que nous ne pourrions pas finir par une seule campagne, puisqu'il est guère impossible que toutes les mesures qu'on prend s'exécutent de la manière qu'on les a projetées, soit faute qu'on n'exécute pas bien par-ci par-là ce qu'on a projeté, soit par des événements qu'on ne peut pas prévoir.

Quant au sieur Schlangen1 je me prêterai de bon cœur de donner les ordres au général de Marwitz que Sa Majesté Impériale désire à son sujet; j'en donnerai de même à mon résident à Danzig, le sieur Wagenfeldt; mais, si j'ose le dire, je crains fort que l'entreprise dudit sieur Schlangen n'aboutisse guère à grande chose, et que vous ne perdiez votre argent. Je connais trop ce que c'est que de pareilles levées en Pologne, et l'exemple de ce qui est arrivé aux Français lorsqu'ils ont voulu lever des uhlans en Pologne, est de trop fraîche date pour que je puisse bien espérer de l'offre dudit sieur Schlangen.



1 Oberst in kaiserlichen Diensten, der sich erboten hatte, seine Beziehungen in seiner Heimath Polen zur Anwerbung von 400—500 Uhlanen auszunutzen.