<171>je suis par rapport à cette négociation dans le même état d'incertitude que j'ai été ; aussi les difficultés que j'y ai à surmonter, ne font qu'augmenter par l'arrivée du ministre anglais Tyrawley à Moscou, qui commence à se mettre bien dans l'esprit sinon de l'Impératrice au moins de toute sa cour, par ses manières aisées, et qui a déjà su trouver des moyens de mettre de la froideur entre l'Impératrice et le marquis de La Chétardie, pour ne pas parler de ce qu'il a fait ébruiter par ses banquiers à Pétersbourg qu'ils avaient des lettres de change pour 400,000 roubles à sa disposition. Voilà où je suis jusqu'à présent avec cette cour, et je veux bien vous permettre que vous pourriez vous expliquer là-dessus en gros avec le sieur de Chavigny et même vers l'Empereur, quoiqu'avec celui-ci avec tout le ménagement possible et sous le sceau du plus grand secret, pour lui faire comprendre les raisons que j'ai d'aller bride en mains et ne pas me précipiter par rapport à la signature du traité secret entre l'Empereur et moi.

Quant au convenances à faire à la cour de Saxe pour l'attirer dans notre parti, vous direz au sieur de Chavigny que le biais qu'il avait pris pour y disposer l'Empereur, me plaisait fort, mais que je croyais que c'était principalement à la France à régler ces convenances, et que, si une fois celle-ci était convenue avec moi là-dessus, je croyais que l'Empereur serait bien obligé d'en être content.

Les assurances que le sieur de Chavigny vient de vous donner sur mon sujet, m'ont charmé, et vous pouvez l'assurer de toute ma confiance. Il y a pourtant encore des conditions sur lesquelles il faut absolument que je sois tout-à-fait assuré, avant que je puisse lever le bouclier, et sur lesquelles il faut que vous vous ouvriez cordialement envers le sieur de Chavigny, et le disposer de les faire goûter à sa cour, pour que celle-ci me rassure tout-à-fait là-dessus, c'est

1° Que la France tâche d'éloigner, par des opérations vigoureuses, le plus qu'il sera possible les armées autrichiennes des frontières de la Bohême, et leur donner tant d'occupations qu'elles, et surtout celle sous les ordres du prince Charles, ne soient pas à portée de rentrer en Bohême avant que j'aie pris Prague. Car, à dire franchement, c'est la base de tout mon système d'être maître de Prague avant que les troupes autrichiennes puissent retourner en Bohême, et si l'armée autrichienne avait le loisir d'y venir plus tôt, tout serait manqué, et il serait même impossible que je pourrais me déclarer contre la reine de Hongrie, ni opérer, si je ne vois que je puis être maître de Prague avant le retour de l'armée autrichienne en Bohême, étant sûr que, si ce coup me manquait, j'opèrerais tout-à-fait infructueusement et ne ferais que gâter mes affaires, sans aider ni l'Empereur ni la France.

2° Ne faudra-t-il pas que les armées de France restent à la défensive, lorsque je serais entré en Bohême, mais il faudra plutôt donner toute l'occupation du monde aux armées des alliés de la Reine, tant en Flandre qu'au Haut-Rhin et sur la Moselle, pourque celles-ci ne puissent