<190>au soldat. Ses ennemis, qui sont en grand nombre, commencent à le craindre et à le respecter, et je suis pleinement persuadé que, plus il mettra de vigueur et de nerf dans ses opérations, et plus tôt les alliés seront obligés de chanter la palinodie. Les Hollandais me reviennent comme les grenouilles dans la fable : il avaient une bûche pour roi durant le ministère du Cardinal, ils ont assez importuné les Dieux pour qu'ils méritent une cigogne. Personne ne fait plus de vœux pour la prospérité de vos armes que j'en fais: s'il ne tenait qu'à moi, vous auriez pris vingt villes cette campagne et gagné trois batailles. Je vous prie en mon particulier, mon cher Maréchal, de me croire avec la cordialité et l'estime la plus parfaite votre très affectionné ami

Federic.

A.

Dès que l'affaire du marquis de Botta commença à faire du bruit en Russie, le Roi tâcha d'en profiter, pour commettre d'autant plus la reine de Hongrie avec l'impératrice de Russie, et il n'épargna rien de ce qu'il faut pour y réussir et pour se faire des amis en Russie. Ce que le Roi gagna d'abord fut qu'il trouva moyen de placer en Russie la jeune princesse d'Anhalt-Zerbst, coup qui rompit les projets de mariage que les Anglais et les Saxons avaient formés ou pour une princesse d'Angleterre ou pour une des filles du roi de Pologne. Pour rendre cet établissement plus solide et pour s'attacher tout-à-fait la famille de Holstein, le Roi consentit au mariage d'une des princesses ses sœurs avec le successeur de Suède.

Lorsque l'Impératrice fut montée au trône, les frères Bestushew furent constitués par elle au maniement des affaires étrangères. Le Roi ne tarda pas à s'apercevoir, dans tout ce qu'il avait à négocier avec la cour de Russie, que ces deux frères n'étaient nullement portés à lier une amitié étroite entre les deux cours ; mais, depuis que le Vice-Chancelier se trouva seul au timon des affaires, par la mort du sieur Brewern, le Roi eut des indices plus forts de l'attachement que le sieur Bestushew avait pour les Anglais et les Autrichiens, et il s'aperçut de cette partialité dans toutes ses négociations. La raison de cette partialité ne resta pas longtemps cachée, et le Roi apprit, à n'en point douter, que le Vice-Chancelier tirait annuellement une pension de 60,000 roubles des Anglais. La conduite de ce ministre se développa encore davantage, lorsque le Roi négocia à Pétersbourg la garantie de tous les États prussiens et nommément de la Silésie ; ce fut alors que le Vice-Chancelier contrecarra ouvertement le Roi et qu'il ne négligea rien pour le brouiller avec l'impératrice de Russie.

Ce ministre inique s'y est pris avec une effronterie qui a peu d'exemples ; on n'en rapportera que quelques traits, pour la brièveté.

Le Roi proposa à l'Impératrice de faire une triple alliance entre la Russie, la Suède et la Prusse; l'Impératrice y consentit et ordonna au Vice-Chancelier d'en écrire sur ce ton à Stockholm. Mais ce ministre,