<193>possession du morceau de la Bohême qu'on leur destine, et le siége d'Égra. On doit d'autant plus se contenter de ce préalable que, ce premier pas fait, ils ne pourront guère se dispenser, à la suite de la guerre, de faire le second, qui est de joindre leurs troupes à celles de l'Empereur; mais il faut bien se garder de le leur faire seulement entrevoir, car leur faiblesse y répugnerait trop, et cela gâterait tout.

Lorsque le Roi entrera avec ses troupes en Bohême, il est convenu que les troupes qui doivent composer l'armée de l'Empereur, doivent suivre le prince Charles et se porter sur la Bavière. Mais il est nécessaire que j'avertisse le roi de France que cette armée, ou ce qui fait proprer ment l'armée de l'Empereur, n'est pas en état d'agir, faute d'argent, et que c'est un point essentiel auquel il faudra remédier de bonne heure; car ces sortes de concerts, venant à manquer, dérangent les projets lés mieux arrangés et font que les grandes espérances que l'on avait conçues, se réduisent à rien. Nous avons dans cette guerre tant d'exemples de pareils accidents qu'il faut parer de bonne heure par de bons arrangements ceux qui, faute de cela, ne manqueraient point d'arriver.

Si c'est bien l'intention du roi de France de mettre une fin prompte et glorieuse à cette guerre, il pourra l'effectuer. Personne n'en a plus les moyens en main que lui. L'on connaît la grande affection que le roi d'Angleterre a pour son électorat. On ne doit point douter que, maître comme il est de la nation anglaise, tout autre intérêt ne le cède à celui de ses provinces de Westphalie. La France ne saurait donc jamais lui porter un coup plus mortel que d'envoyer un corps de vingt à trente mille hommes dans ses États, dès que la diversion du Roi aura fait rebrousser chemin à l'armée du prince Charles. Car, si le roi de France veut considérer que les plus grandes ressources de la reine de Hongrie lui viennent de la Bohême, de la Bavière et des subsides qu'elle tire du roi d'Angleterre, on verra que par ce moyen on lui coupe tout d'un coup toutes ses racines. Le roi d'Angleterre parlera sur l'instant de paix ou de neutralité, on pourra l'obliger au moins de ne point donner' du secours ni en argent ni en nature à la reine de Hongrie, et à ne se point mêler d'une querelle qui est entièrement étrangère à l'Angleterre. Nous ne voyons du moins de notre côté rien de plus avantageux, et, si la France veut en agir avec bonne foi et avec vigueur, comme ses alliés le feront sûrement de leur côté, il n'est pas possible qu'il y ait de salut pour la reine de Hongrie, à moins qu'il n'arrive une révolution en Russie en faveur de la maison de Brunswick, ce qui pourrait mettre le Roi dans de très grands embarras et peut-être même dans l'impossibilité d'agir.

Cependant, il n'y aura qu'une nécessité absolue et un danger pressant qui empêcheront le Roi d'exécuter des engagements qu'il regarde comme également avantageux, solides, et conformes à ses intérêts et à sa gloire.

Der Brief und die Denkschrift A nach Abschrift der Cabinetskanzlei ; B nach dem eigenhändigen Concept.