<345>préposés à la fourniture des vivres s'en sont si mal acquittés et se sont trouvés si peu intelligents que l'armée a été toujours mal fournie, et, à la fin, cette fatalité est devenue d'autant plus funeste qu'elle nous a obligés de quitter la Bohême. Le jour que je marchais vers Beraun, l'armée n'avait plus de pain, ce qui m'empêcha de poursuivre ma pointe et d'occuper le poste de Beraun, et de plus, j'avais appris que M. de Batthyany avait fait rétrograder ses magasins de Beraun à Pilsen.

Le 10, au soir, l'ouverture de la tranchée se fit à Prague, à trois endroits différents à la fois, savoir à la montagne de Zisca, vers le plateau de la montagne de Saint-Laurent, et vers la nouvelle porte, du côté du moulin, sur la basse Moldau ; la première attaque s'appela celle du maréchal de Schwerin, la seconde celle du comte de Truchsess, et la troisième celle du prince Charles. L'ouverture de la tranchée nous coûta peu de monde, à cause qu'on en déroba la connaissance à l'ennemi. Le 12, on emporta d'assaut le fort de Ziska, et encore un autre fortin qui lui était adjacent. Le prince Guillaume fut Itué, ce jour, à la batterie qui portait le nom de son frère. Les jours suivants, les attaques se poussèrent avec beaucoup de vigueur, le moulin de la basse Moldau fut abîmé par les bombes, et l'écluse, rompue, de façon qu'après que l'écoulement de l'eau eut duré quelques heures, on eût pu donner un assaut au travers de la rivière et entrer au milieu de la ville ; ce fut la raison qui détermina M. de Harsch à battre la chamade ; il y eut encore quelques pourparlers, mais il fut obligé de se rendre prisonnier de guerre. Le 16 septembre, la garnison sortit, forte de douze mille, quelques cents hommes, ce qui était distribué en 22 bataillons; on ne put y donner que des escortes faibles, et il en déserta la moitié avant qu'ils arrivassent en Silésie.

La ville de Prague une fois prise, c'était la grande question de quel côté diriger les opérations.

La trahison des Saxons était encore ensevelie sous les cendres; j'étais, à la vérité, informé que leurs troupes remuaient dans leurs quartiers, mais je ne leur supposais pas la hardiesse de se déclarer contre moi dans un commencement de guerre où la fortune ne s'était pas encore déclarée ni pour l'une ni pour l'autre partie, et d'exposer à la vengeance de leurs voisins un pays ouvert de tous côtés, mal garni de troupes, et qui doit être ruiné de fond en comble, toutes les fois que la guerre s'y fera et que l'ennemi se tourne du côté de Leipzig, qui est le nerf de leur État, le siége de leur commerce et la ressource de leur crédit. Toutes ces suppositions, toutes ces probabilités se trouvèrent ensuite fausses, le marteau d'or des Anglais avait ouvert les portes de fer des Saxons, et l'intérêt d'un moment les avait aveuglés sur un intérêt plus durable.

Je fis deux fautes capitales en quittant Prague, qui ont entraîné après elles le dérangement de toute la campagne. Je n'aurais pas dû