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Quoique j'aie été très content du détail que vous m'avez fait sur la situation où vous avez trouvé la cour de France, je suis pourtant fâché de vous dire que, quant aux affaires mêmes, vous vous êtes trop précipité, lorsque vous vous êtes expliqué vers les ministres de la France sur de certaines conditions de ma part; mon intention, à ce que vous vous souviendrez, n'ayant point été de parler le premier, mais de faire parler et expliquer les autres et de les voir venir. Ce qui ne m'aurait pas tant exposé comme je le suis à présent, si l'affaire devait manquer de réussir, et aurait obligé la France de me rechercher, au lieu que, de la manière dont vous vous êtes pris, il paraît que je recherche la France, et que celle-ci se croit par-là en droit de marchander sur les articles que vous lui avez proposés, et d'y ajouter plusieurs choses dont je ne puis point convenir. Par exemple, dans l'article second, qu'elle ne veut faire passer ses troupes en Allemagne que lorsque par les opérations que je dois faire, je me serais attiré toute l'armée autrichienne; dans le quatrième article, l'inclusion du roi d'Espagne pour les affaires d'Italie, etc.

Comme j'espère pourtant que par le savoir-faire que je vous connais, vous sauriez redresser le pas que vous avez fait, je veux bien vous expliquer encore une fois mes intentions sur toute cette affaire de la manière qui suit:

Que je suis intentionné de m'engager avec la France, mais que c'est conditionnellement, savoir:

1° Que l'alliance que je suis prêt de conclure avec la Russie et la Suède, soit préalablement faite, soit pour les faire entrer dans le plan que je me propose, ou, du moins, que ni l'une ni l'autre n'y apporte aucun empêchement; ce que la France peut aider à accélérer par Chétardie et Lanmarie, en leur donnant des ordres en conséquence;

2° Qu'outre la garantie que la France'm'a déjà donnée de tous mes États et de la Silésie principalement, elle me promette et garantisse positivement et non conditionellement, outre le petit reste de la Haute-Silésie dont la reine de Hongrie est actuellement encore en possession, mes convenances à faire en Bohême; c'est-à-dire, le morceau de Bohême selon le cours de l'Elbe, la seigneurie de Pardubitz et les villes de Kolin, Kuttenberg, Czaslau, Chrudim et Hohenmauth y ajoutées; moyennant quoi je renoncerai à mes prétentions sur l'Ostfrise en faveur de l'Électeur palatin, qui alors pourra renoncer au Haut-Palatinat en faveur de l'Empereur;

3° Ces préalables établis, je ne puis agir qu'au mois d'août de cette année, les arrangements nécessaires qu'il me faut faire n'étant point prêts avant ce temps-là; ainsi la France, ce préalable établi, peut aller toujours son train, sans que cela ne la déroute en rien;

4° Qu'ainsi la France fasse, en attendant, l'ouverture de la campagne, en prenant Fribourg, et qu'elle agisse vigoureusement avec ses armées tant dans les Pays-Bas qu'en Italie, et qu'elle fasse marcher alors