1334. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A SAINT-PÉTERSBOURG.

Potsdam, 11 février 1744.

La relation que vous m'avez faite, en date du 28 du mois de janvier passé, m'a été bien rendue, et je suis très satisfait de toutes les particularités que vous m'y mandez, aussi n'y a-t-il que le seul article du Procureur général28-1 qu'on veut donner pour collègue au général Rumianzow,28-2 qui ne me fasse pas plaisir, puisque de l'humeur et des inclinations qu'on me l'a caractérisé, je crains extrêmement que nous ne tombions de mal en pire. C'est pour cela que je souhaiterais fort que vous pouviez disposer nos amis pour faire en sorte qu'il ne parvienne point à un poste où, de l'humeur qu'il est fait, il oublierait aisément les obligations qu'il a à son bienfaiteur et lui taillerait même des besognes.

J'ai été bien aise de voir que l'Impératrice ait goûté d'une manière si flatteuse pour moi les propositions de Rudenschœld,28-3 aussi n'en obligerat-elle point un ingrat. Vous pousserez à présent, autant qu'il est possible, à la roue afin que l'alliance à laquelle Sa Majesté Impériale vient de consentir, parvienne bientôt à sa consistance, laquelle alliance, selon mes intentions, doit être défensive, avec une garantie de la Silésie nommément. Après cela, je demande de savoir votre avis, au plus tôt possible, si vous croyez faisable qu'on puisse proposer quelque article secret par lequel Sa Majesté Impériale promette de s'employer pour pacifier les troubles dont l'Allemagne est à présent déchirée.

Quant au grand-duc de Russie, mon intention est que vous le deviez caresser au possible, afin de me gagner son amitié et son inclination, et vous n'épargnerez rien de tout ce que vous croyez lui être agréable. Vous vous souviendrez qu'il y a quelques mois, vous me promîtes de me faire savoir de quoi je lui pouvais faire quelque présent qui lui fît plaisir. Comme depuis ce temps vous m'en avez rien mandé, j'attends encore votre avis là-dessus.

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Quand le comte Wachtmeister sera arrivé à Berlin, on lui fera toutes les politesses possibles, et je lui parlerai moi-même; j'approuve fort que vous avez écrit au sieur Diestel qu'il doive agir confidemment avec ce comte. J'attends votre rapport, par le courrier que vous avez encore auprès de vous, de ce qui s'est passé à Riga.29-1 L'Impératrice a raison quand elle craint la mère, mais je suis persuadé qu'elle sauia prendre ses mesures là-dessus.

Je ne vous presse point sur l'ordre du 13 de janvier, et vous êtes le maître absolu d'en faire tel usage que vous trouverez convenable aux circonstances.

Au reste, vous devez contrecarrer de tout votre mieux pour que la cour de Saxe ne réussisse point de faire accéder l'Impératrice au traité que celle-là vient de conclure avec la reine de Hongrie. Il me semble qu'il est de la dernière impertinence d'en vouloir solliciter l'Impératrice dans la situation où elle est à présent avec cette Reine au sujet de l'affaire de Botta. Outre cela, je crains qu'il n'y ait dans ce traité quelque serpent caché sous l'herbe, par quelque article secret qui se fonde sur le traité que l'Angleterre et la reine de Hongrie ont conclu avec le roi de Sardaigne à Worms. Je vous adresse pour cela ci-clos l'article 2 et 13 de ce traité, dont je viens de recevoir une copie, et vous permets de le faire voir à nos amis, pour les convaincre de la duplicité et des finesses de la cour de Londres dans ses engagements, puisque ces articles sont, sinon tout-à-fait contraires, au moins fort équivoques à ce qu'on m'a promis par le traité de Breslau et par la garantie et l'alliance conclue avec moi à Westminster ; aussi tâcherez-vous d'en faire des insinuations convenables à Sa Majesté Impériale pour l'en prévenir avant que le nouveau envoyé d'Angleterre y arrive.

Federic.

Après avoir pensé mûrement sur ce que je viens de vous ordonner touchant les deux articles du traité de Worms, j'ai résolu que vous n'en devez encore parler ni en communiquer quelque chose à qui que ce soit, avant que vous n'ayez reçu mes ordres ultérieurs à ce sujet. Je vous adresse ci-clos la réponse à une lettre que la princesse de Zerbst m'a écrite de Memel.

Nach dem Concept.



28-1 Vergl. S. 10 Anm. I.

28-2 Dem die erledigte Stelle des Grosskanzlers zugedacht wurde. Vergl. Bd. II, S. 469.

28-3 Mardefeld berichtet, Petersburg 28. Januar: Brummer habe der Kaiserin von den durch Rudenschöld eingeleiteten Verhandlungen behufs der Vermählung des schwedischen Kronprinzen mit der Prinzessin Amalie von Preussen Mittheilung gemacht: „Sa Majesté Impériale n'a pas hésité un seul moment à déclarer qu'elle approuvait entièrement le mariage, aussi bien que l'alliance avec la Suède, considérant présentement les intérêts de cette couronne comme les siens propres. Brummer poursuivit: Ce n'est pas assez, il faut que Votre Majesté le dise de Sa propre bouche à Mardefeld ; à quoi elle consentit à l'instant. Je saisis donc hier à la cour l'occasion de lui faire un compliment concis sur la confidence qu'elle avait eue en Votre Majesté dans l'affaire de la princesse de Zerbst. Elle répondit en allemand: Je l'ai fait dans la persuasion que je ne pouvais mettre mes intérêts entre de meilleures mains que celles du Roi. — Ensuite je fis tomber la conversation sur l'engagement et l'alliance proposés par le ministre de Suède à Berlin. Sa Majesté Impériale repartit: J'en serai charmée pour plus d'une raison, et j'en ai déjà écrit au Prince Royal, et le comte Wachtmeister lui portera cette lettre. Ainsi elle consent à tout.“

29-1 In Betreff der Familie Braunschweig.