1362. AU PRINCE GUILLAUME DE HESSE-CASSEL A CASSEL.

Breslau, 19 mars 1744.

Mon Cousin. La lettre que Votre Altesse vient de m'écrire en date du 14 de ce mois, m'a été bien rendue, et j'y ai vu avec un contentement infini la satisfaction qu'Elle témoigne d'avoir du plan que je Lui ai communiqué ; aussi faut-il que j'avoue que je n'en connais point d'autre pour rendre la paix à Allemagne et pour contribuer à maintenir les prérogatives du chef de l'Empire et celles de ses membres, pourvu qu'on s'y prenne selon les idées que j'ai communiquées à Votre Altesse, qu'on mette les mains, le plus tôt le mieux, à l'ouvrage, et que les parties bien intentionnées restent fermes et bien unies, sans s'en laisser détourner par aucune autre considération. Je ne saurais pourtant Lui cacher que j'ai été infiniment surpris, lorsque j'ai vu l'embarras où Votre Altesse paraît d'être sur la démarche que la France vient de faire contre l'Angleterre.60-2 Éloigné que je suis de croire que la France voudrait tout <61>de bon penser à détrôner le roi de la Grande-Bretagne et tenter de mettre à sa place le Prétendant, toutes les apparences sont, et je ne saurais envisager autrement l'affaire, que les démonstrations que la France fait paraître contre l'Angleterre, n'ont point d'autre but que d'embarrasser celle-ci sur les opérations qu'elle a médité de faire contre la France et l'Espagne, de donner des alarmes à l'Angleterre et de la tenir en échec, en causant tout au plus par ci par là quelques mutineries dans les îles de la Grande-Bretagne, pour forcer celle-ci et ses alliés de donner les mains à une paix raisonnable.

C'est pourquoi je crois que nous de notre côté n'avons point lieu d'être alarmés sur toutes ces démonstrations, mais qu'il nous faut plutôt continuer d'avoir toute notre attention au maintien du système de l'Empire, en préférant le salut de la patrie à d'autres considérations. Il serait véritablement triste, si des princes bien intentionnés de l'Empire voulaient oublier leurs véritables intérêts de la sorte qu'ils voulussent courir éteindre le feu des maisons d'autrui et abandonner à l'incendie leurs propres; aussi, en fidèle ami de Votre Altesse, je Lui donne à considérer de combien de hasards sa propre maison serait exposée, si, après tous les pas qu'EUe a faits jusqu'à présent, Elle voulait tout d'un coup abandonner ses amis véritables et, sans compter les risques qu'Elle aurait à encourir après que la bataille auprès de Toulon61-1 paraît changer bien la face des affaires, Se jeter dans un parti dont le but, point difficile à deviner, n'est autre que de nous imposer tôt ou tard un joug intolérable, et de disposer despotiquement de nous autres princes de l'Empire.

Pour moi, je ne saurais disconvenir à Votre Altesse qu'en zélé patriote je ne me départirai jamais de ce que je dois à la patrie, et que n'irai ni plus ni moins mon train pour le soutien de notre digne Empereur, en arrive ce qui voudra. Je suis trop persuadé de la pénétration et des lumières de Votre Altesse qu'Elle ne saura qu'approuver mes sentiments fermes, et j'ai tout lieu de croire qu'Elle ne Se séparera jamais d'un ami et allié qui avec des sentiments de considération et d'estime sera constamment, mon Cousin, de Votre Altesse le bien bon et très affectionné cousin

Federic.

Je vous prie, pour l'amour de Dieu et de votre patrie, n'abandonnez point le bon parti dans lequel vous étiez prêt d'entrer; je vous réponds, quoi qu'entreprenne la France, qu'elle ne renversera pas le roi d'Angleterre, et distinguez, s'il vous plaît, le roi de France et l'Empereur. Pourquoi voulez-vous faire souffrir ce dernier des actions du premier? Songez, je vous prie, que vous prêtez le col aux fers que les Autrichiens veulent donner à l'Empire, si vous nous quittez brusquement dans une conjoncture où tout est préparé et réuni pour mettre des bornes à l'ambition démesurée de la reine de Hongrie. Pour moi, quoi qu'il arrive, <62>j'ai pris mon parti de me servir de tous les moyens que la Providence m'a donnés pour soutenir un Empereur que j'ai élu avec tout le corps germanique. Je vous avertis, mon cher Prince, que si vous nous quittez, vous vous exposerez plus que je ne saurais vous le dire, ainsi je vous conjure par tout ce que vous avez de saint et de sacré de ne vous point précipiter dans le parti que je crains que vous ne preniez.

Nach dem Concept. Der Zusatz nach Abschrift der Cabinetskanzlei.



60-2 Die Begünstigung der Unternehmung des stuartischen Prätendenten gegen England. Vergl. Droysen V, 2, 243.

61-1 22. Februar 1744.