1378. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A MOSCOU.

Potsdam, 4 avril 1744.

Comme je vous ai amplement instruit par ma dernière dépêche, que je vous ai envoyée par un exprès, sur mes intentions et sur tout ce que vous aurez à faire pour mes intérêts à la cour où vous êtes, je n'ai rien à y ajouter par la présente, sinon que de vous recommander extrêmement l'affaire de l'alliance à conclure entre moi, l'Impératrice et la Suède, et que vous ne deviez épargner ni insinuations ni dépenses pour qu'on mette les mains à l'œuvre, le plus tôt possible.

Puisqu'il m'importe beaucoup de savoir bientôt ce que j'ai à espérer de l'Impératrice sur tous les points que je vous ai mandés par ma précédente et sur tous les points suivants : 1° sur la réussite de l'alliance en question, et si vous croyez avec apparence que j'en viendrai bientôt à bout ou non, 2° si l'Impératrice se bornera à une simple alliance défensive ou si elle ira plus en avant avec moi, et 3° si elle sera à disposer de faire ces insinuations à la cour de Dresde que je vous ai mandées dans ma susdite dépêche, vous ne manquerez pas de m'en faire un rapport juste et détaillé, en me disant tout net ce que vous en pensez et espérez.

Si le crédit de la princesse de Zerbst est déjà à un point que vous puissiez vous en servir utilement sur ces affaires, vous ne manquerez pas de vous en servir pour pousser bien par là à la roue.

Je vous autorise même qu'en tout cas vous puissiez faire l'offre de ma part à cette Princesse que, pourvu qu'elle voulût s'employer efficacement auprès de l'Impératrice pour que le Vice-Chancelier soit déplacé, et que mes affaires en Russie parviennent bientôt à leur consistance de la manière que je les souhaite, je ferai en sorte que sa sœur, la prévôte de Quedlinbourg, soit élue coadjutrice de l'abbesse à la place de ma sœur, la princesse Ulrique. Proposition pourtant dont vous ne vous servirez pas, avant que vous ne croyez qu'il est d'une nécessité absolue de la faire pour animer d'autant plus fort la princesse de Zerbst d'agir auprès de l'Impératrice.

Outre cela, je laisse à votre considération si vous ne pouviez pas disposer Chétardie à travailler aussi pour l'alliance en question, lorsque vous lui direz en confidence et sous le sceau d'un secret inviolable que je suis sur le point de me raccrocher avec la France et de prendre des mesures avec elle, mais que tout cela ne pouvait parvenir à sa consistance avant que mes affaires ne fussent préalablement réglées avec la Russie et avec la Suède, et qu'il rendrait ainsi un service fort important au Roi son maître, s'il voulait employer son crédit à la cour de Russie, pour que celle-ci se pressât à faire ses affaires avec moi.

Je me remets en tout ceci sur votre prudence et votre savoir-faire, et comme tout ce que je viens de vous dire n'est que pour vous mettre <80>bien au fait de mes intentions, je laisse à votre considération si vous trouvez convenable d'en faire usage ou non.

P. S.

Aussi ne saurais-je m'empêcher de vous instruire sur une particularité que mon ministre d'État, le comte de Podewils, vient de me mander; c'est ce que le comte de Gyllenborg a mandé à Rudenschöld que, par rapport à l'alliance à faire entre moi et la Suède, lui, Gyllenborg, sentait, ainsi que tous les bien intentionnés, l'importance, l'utilité et même la nécessité de cet objet; qu'on ne demandait pas mieux en Suède que d'y pouvoir parvenir au plus tôt, et que pour lui, Gyllenborg, il y donnerait tous les soins imaginables ; mais que dans les termes où on en était avec la Russie, le poids qui déterminerait cette affaire devait nécessairement venir et partir de cette puissance; que jusqu'à présent la cour de Russie n'avait rien proposé de pareil, et qu'il était surprenant que le comte de Wachtmeister, arrivé tout nouvellement de Pétersbourg à Stockholm, n'avait jusqu'à présent fait aucune mention de cette commission; qu'au contraire les ministres de Russie, tant en Suède qu'à Copenhague, et surtout les deux Korff, dont l'un était retourné à présent en Russie, paraissaient dans une dépendance servile de Bestushew, et point du tout bien intentionnés pour moi ; qu'il ne fallait pas douter que ce ne fût par la perfidie de ce ministre que les bonnes intentions de l'Impératrice pour une pareille alliance n'étaient pas encore parvenues à la Suède, et qu'on espérait que le général Lubras à son arrivée agirait à cet égard avec plus de candeur ; que pour peu que lui, comte de Gyllenborg, fût secondé de la cour de Russie dans cette affaire, il comptait d'y réussir, mais qu'il y faudrait travailler de mon côté auprès de l'Impératrice.

J'avoue que j'ai été surpris que le comte de Wachtmeister, dont vous m'avez fait tant espérer, n'ait été chargé de rien de ce qui regarde cette alliance, ou qu'au moins jusqu'ici il n'en ait point fait usage. C'est pourquoi je veux que vous deviez éclaircir ce mystère d'iniquité, pour approfondir si Bestushew est capable de supprimer et de changer de son autorité les ordres de l'Impératrice et d'en substituer d'autres. Vous n'oublierez point de me faire votre rapport à ce sujet, sur lequel je tâcherai aussi de faire expliquer le général Lubras, quand il sera arrivé à Berlin.

Federic.

Nach dem Concept.