1382. AU MAJOR GÉNÉRAL COMTE DE ROTHENBURG A PARIS.

Potsdam, 7 avril 1744.

J'ai bien reçu votre relation du 30 du mois de mars passé, et j'espère que la dépêche que je vous ai faite en date du 30 dudit mois vous sera bien parvenue, de même que le nouveau chiffre que j'ai envoyé au sieur de Chambrier. Comme je vous ai mis au fait sur mes intentions par ladite dépêche, j'espère que vous ne manquerez pas d'en faire un bon usage, et je n'ai rien à y ajouter, sinon que, pour commencer d'entrer en matière sur les engagements que je veux prendre avec la France, mon intention est que le sieur de Chambrier doive faire préalablement un précis de tous les points sur qui mon traité avec la France doit être fait, selon les instructions que je vous ai données ; qu'en suite, vous et le sieur de Chambrier deviez négocier sur ce précis avec le ministre qu'on vous donnera pour traiter, et qu'après que vous serez convenus sur un projet du traité à faire, vous deviez m'envoyer ce projet, lequel je vous renverrai alors, avec les pleins-pouvoirs nécessaires pour signer.

J'espère que pendant le temps que cela se négociera, je serai venu à bout de mon alliance avec la Russie, et que je serai mis par là en état de ratifier alors le traité que vous aurez négocié.

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Il y a encore une circonstance qui m'embarrasse, mais dont j'espère de venir à bout; c'est qu'il faut de toute nécessité que je dispose l'impératrice de Russie à faire des remontrances sérieuses à la Saxe, pour que celle-ci ne mette point d'obstacles à mes desseins ; car avant que cela soit fait, je risquerais terriblement, si je voulais commencer à agir en Bohême et laisser un ennemi tel que la Saxe derrière moi. Je crois pourtant que l'Impératrice se prêtera fort aisément de faire ces remontrances à la Saxe, et, comme celle-ci dépend absolument de la volonté de la Russie, j'aurai alors les bras libres d'agir comme je veux. Vous observerez encore de recommander aux ministres de la France un secret impénétrable sur le traité que nous irons faire, et que surtout il n'en paraisse rien dans la négociation du traité d'union conféderale qui est sur le point d'être conclu avec l'Empereur et quelques États de l'Empire, dont le sieur de Chavigny aura sans doute informé sa cour. Il est d'autant plus nécessaire de garder un secret inviolable sur mon traité avec la France, que, s'il en transpirait quelque chose mal à propos, cela ne manquerait pas de causer mille travers et embarras, tant à la France qu'à moi, pour l'exécution de notre traité.

Quant à la lettre que vous me demandez pour le roi de France, je ne manquerai pas de vous l'envoyer, aussitôt que je vous renverrai le projet du traité avec les pleins-pouvoirs pour signer. Vous présenterez alors cette lettre au Roi et vous en congédierez en même temps pour revenir ici.

P. S.

Comme il pourrait aisément arriver que, lorsque je serai obligé d'agir contre la reine de Hongrie, les Anglais, en haine de mes engagements avec l'Empereur et avec la France, tâcheraient à troubler le commerce que mes sujets de Silésie entretiennent jusqu'à présent avec les Anglais, de toiles fabriquées en Silésie, soit en défendant tout-à-fait l'entrée en Angleterre, soit en les chargeant de gros impôts, mon intention est donc que vous deviez sonder adroitement et sans éclat des gens entendus au commerce s'il n'y a pas moyen d'établir un commerce de toiles fabriquées en Silésie avec la France, ou plutôt avec l'Espagne, de la manière qu'on pourrait envoyer directement en Espagne ces toiles, pour que les marchands espagnols les débitassent alors soit en Espagne soit en Amérique, en tirant eux-mêmes le profit que les Anglais ont retiré jusqu'à présent de ce négoce. Vous vous informerez même de quelle manière il s'y faudrait prendre pour établir un pareil commerce, et ne manquerez pas de m'en faire votre rapport détaillé.

Federic.

Nach dem Concept.

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