1384. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A MOSCOU.

Potsdam, 8 avril 1744.

La relation que vous m'avez faite en date du 19 de mars, vient de m'être rendue, par laquelle j'ai appris avec bien du plaisir les apparences qui sont que l'Impératrice fera du changement dans son ministère et qu'elle se défera par là de son ministre infidèle, le vice-chancelier d'à présent ; aussi espéré-je d'apprendre bientôt de quelle manière cela se sera mis en exécution. Je me flatte de même que les insinuations dont le sieur de Lestocq s'est chargé, touchant la triple-alliance, auront eu le succès désiré, et que vous serez mis par là en état de mettre incontinent les mains à l'oeuvre, pour mener cette affaire à sa perfection, le plus tôt le mieux. Sur ce que vous me dites dans le post-scriptum de votre relation par rapport aux troupes irrégulières que j'ai souhaité d'avoir en cas de guerre avec la reine de Hongrie,84-2 je vous dirai pour votre instruction que, premièrement, il y aura à voir de quelle manière la cour de Vienne se conduira par rapport à la satisfaction qu'on demande dans l'affaire de Botta.

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Après cela, il faut que vous sachiez que, si je souhaite d'avoir de l'Impératrice de ses troupes irrégulières, ce n'est point du tout pour le cas que j'en fais, ni pour tirer des avantages de ces gens-là, ni pour en augmenter mes forces, mais uniquement pour avoir, pour ainsi dire, le nom de la Russie auprès de mon armée, pour en imposer aux autres puissances et pour faire voir à elles et surtout à la Saxe que l'Impératrice soit dans mon parti. C'est pourquoi je ne me soucierais point du nombre de ces troupes, et qu'un couple de régiments, soit dragons russiens, soit troupes irrégulières, me suffiraient. Vous verrez donc s'il y a moyen d'en avoir, en quoi vous vous réglerez pourtant sur les circonstances qui se présenteront.

Les deux points principaux que je désire de la Russie sont 1° que mon traité avec elle et la Suède parvienne au plus tôt possible à sa consistance, et 2° qu'après cela l'Impératrice fasse insinuer d'une manière énergique à la cour de Saxe que celle-ci ferait plaisir à l'Impératrice, si elle vivait en bonne harmonie avec l'Empereur et surtout avec moi, et qu'elle, c'est-à-dire la Saxe, ne serait point contraire ni s'opposerait aux mesures que je trouverai nécessaires pour le soutien de la dignité de l'Empereur et pour ramener une paix solide dans l'Empire. Ce dernier article m'importe infiniment, puisqu'il n'y a guère à douter que, par l'ascendant que la Russie a sur la Saxe, et par la dépendance servile où celle-ci est par rapport à la Russie, la Saxe sera tenue bridée et ne se pourra point opposer à mes entreprises. Ainsi vous devez employer tout votre savoir-faire pour réussir sur cet article; vous n'oublierez point en même temps ce que je vous ai ordonné touchant Keyserlingk à Dresde, et de quelle nécessité qu'il est qu'il en soit rappelé, puisque sans cela, avec toute la bonne volonté que l'Impératrice aurait au sujet susdit, nous ne ferions que de l'eau claire. Vous trouverez ci-joint l'enveloppe ou couvert à cachet volant que vous avez demandé pour y remettre certaine lettre,84-1 et le courrier porteur de celle ci vous apportera de nouveaux chiffres, puisque je crains que ceux dont vous vous êtes servi ne puissent être pénétrés par la longueur du temps que vous vous en êtes servi.

Federic.

Nach dem Concept.



84-1 Für den Ankauf von Gemälden ; diesen Brief an Rothenburg siehe Œuvres de Frédéric XXV, 532.

84-2 Vergl. auch oben S. 70 Anm. I.