1424. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRAEFFEN A FRANCFORT-SUR-LE-MAIN.

Potsdam, 7 mai 1744

Vos deux relations du 2 et du 3 de ce mois m'ont été bien rendues, et j'ai été bien aise d'y voir que les choses touchant les convenances à me faire se sont passées de bonne grâce et conformément à mes intentions. Quant aux pièces que le général Donop vous a com<122>muniquées, touchant lès conventions à faire du prince Guillaume, j'espère que la lettre que je vous ai faite en date du 30 du mois d'avril passé, vous aura été bien remise ; et, comme je vous y ai expliqué mes intentions à ce sujet, je m'y remets. La nouvelle que vous me marquez du changement arrivé avec le sieur Amelot, n'a pas laissé de me faire plaisir; outre le peu de suffisance que cet homme doit avoir eu pour le poste qu'il a occupé, on m'a voulu persuader depuis longtemps qu'il avait toujours eu plus de penchant pour le parti anglais et autrichien que pour les intérêts de l'Empereur et les miens, et, si le sieur de Chavigny devait occuper son poste, je suis persuadé que les affaires prendront un tout autre train qu'elles n'ont eu par le passé, et que les intérêts de l'Empereur n'en souffriront point.

Comme vous aurez signé, à l'heure qu'il est, le recez de l'union confédérale, je l'attends de vous, pourque mes ratifications en puissent être expédiées et à vous renvoyées; mais, quant aux articles séparés, il faut que je vous réitère encore une fois qu'il m'est absolument impossible de les signer avant que mes affaires ne soient faites avec la Russie. J'ai lieu d'être satisfait des projets que vous m'avez envoyés des articles secrets et séparés, tant par rapport à mes convenances qu'à l'invitation à faire à la France, pourque celle-ci accedât au traité d'union, mais ce qui m'empêche de les signer ou les ratifier, c'est ce qu'il me faut de toute nécessité être assuré de la Russie, avant que je m'engage à quelque parti; aussi ne suis-je capable de faire le moindre pas avant cela, me voudrait-on offrir la cession de toute la Bohême. On se trompe fort, si l'on est dans l'opinion que ce sont les appas des cessions qu'on me veut faire en Bohême, qui me font agir; au contraire, mon grand but dans tout ce que j'ai résolu d'entreprendre, n'est autre chose que l'abaissement de la maison d'Autriche et le soutien et rétablissement de l'Empereur; s'il n'y avait ces deux points, je me passerais fort aisément de toutes cessions et aimerais bien mieux de rester tranquille. Mais comme, pour agir de toutes mes forces librement et avec vigueur, il faut absolument que j'aie le dos libre, mes résolutions dépendent du train que mes négociations prendront en Russie, de laquelle il faut que je sois préalablement assuré, tant pour n'avoir à craindre quelque diversion d'elle pendant que je serai occupé ailleurs, que pour contenir par elle la Saxe en respect, pourque celle-ci ne me joue pièce, pendant que j'agis pour l'Empereur.

Par toutes ces considérations donc, vous tâcherez de tranquilliser tant l'Empereur que le sieur de Chavigny sur ce que je ne puis signer d'abord l'invitation à faire à la France, en leur assurant que je ne manquerai point de signer l'article en question, dès aussitôt que je verrai encore un peu plus clair dans mes négociations avec la Russie, mais qu'avant cela j'espérais qu'ils ne me voudraient pas obliger à une chose qui me pouvait trop entraîner hors de propos, et avant que j'aie arrangé mes affaires dans le Nord. Vous tâcherez surtout de faire valoir <123>ces considérations auprès du sieur de Chavigny, que vous devez flatter d'ailleurs de toutes les manières possibles, pour le gagner pour moi et me ménager sa confiance, en lui insinuant pourtant d'une manière bien polie qu'il se ressouviendrait que j'avais toujours mis pour condition, lorsqu'il a été question de l'invitation de la France, de ne pas signer cet article avant que celle-ci n'agissait avec vigueur et donnerait par-là, pour ainsi dire, le ton au traité d'union confédérale.

Touchant la garantie de la Haute-Autriche, je veux bien vous dire que, si l'Empereur sera en état de la prendre par ses forces et de s'y soutenir, je veux bien alors la lui garantir, mais qu'il n'y a proprement que la Bohême dont je puis m'engager de la prendre pour lui et de lui en garantir la possession paisible, selon que je me suis expliqué dès le commencement de notre négociation. Au reste je vous adresse ciclos la réponse que je viens de faire au maréchal de Seckendorff.

Federic.

Nach dem Concept.