1445. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A MOSCOU.

Potsdam, 19 mai 1744.

Vos dépêches datées du 27 et du 30 avril me sont très bien parvenues. Par tout ce que vous me mandez, il me reste encore l'espérance de me voir au comble de mes désirs, c'est-à-dire de voir le ministre infidèle ou tout-à-fait débusqué ou au moins hors d'état de continuer ses manigances pernicieuses, si contraires et si préjudiciables à mes intérêts. Je comprends parfaitement les difficultés qu'il y a par rapport au rappel de Keyserlingk, et que la cour de Dresde fera jouer tous les ressorts imaginables pour le garder. Mais la confiance particulière que j'ai dans votre savoir-faire, ne me laisse pas sans espérance qu'assisté par vos amis et surtout par la princesse de Zerbst, vous viendrez encore à bout sur un article qui m'importe beaucoup. Enfin, tout dépend du grand article du déplacement du Ministre, ou qu'il ait des supérieurs capables à le brider, et je suis persuadé que le reste ira bien. J'attends pour cela avec quelque impatience le rapport que vous me ferez après <145>le jour de la célébration de la paix. S'il y a des moyens pour gagner Woronzow pour nous, je suis persuadé que vous ne les laisserez pas échapper, et si j'y puis contribuer, vous n'avez qu'à m'en avertir. Je goûte parfaitement le dessein que vous avez,si à la célébration de la fête le général Rumianzow est nommé grand-chancelier et le Procureurgénéral placé dans le département des affaires étrangères; j'agrée de même la manière dont vous vous êtes attaché le sieur de Brummer. Comme vous m'assurez que l'Impératrice donnera les mains avec plaisir à la triple alliance et que la garantie expresse de la Silésie sera agréée, vous devez pousser de votre mieux à la roue, pour que la négociation commence le plus tôt le mieux et qu'elle se finisse au plus tôt possible.

Le biais que vous avez pris pour entraîner l'Impératrice d'une certaine façon à la pacification d'Allemagne, me paraît excellent; j'attendrai comme cela réussira. Vous savez que ce ne sont pas tant'les forces de la Russie que je souhaite pour parvenir à mon but, mais que le nom russien me suffit; ainsi 2,000 dragons ou cosaques me suffiront. Quant à l'accession de la France, je comprends parfaitement qu'il serait hors de saison d'en vouloir toucher quelque chose à présent, ce que vous ne manquerez pas d'insinuer et de faire comprendre au marquis de La Chétardie d'une manière convenable. Le peu de soin que l'Impératrice prend pour Sa conservation et pour bien assurer la succession établie, me fait des peines infinies, et j'avoue que pour les circonstances que vous m'en mandez j'en crains les suites, surtout si le Ministre reste en place. Il faut espérer pourtant que, par les insinuations que vous lui ferez faire par la princesse de Zerbst et par l'usage que vous ferez de ma lettre, on la réveillera, s'il est possible, de sa léthargie. Si le Ministre ne sera pas culbuté, l'Impératrice s'en ressentira tôt ou tard. Quoique je souhaite de tout mon cœur que le bon Dieu veuille préserver l'Impératrice du mal que les mécontents méditent contre elle, je suis pourtant assez curieux de savoir votre sentiment sur la face que les affaires de la Russie pourraient prendre, si quelque révolution fatale venait à arriver en Russie, et si vous, croyez que nonobstant d'un changement vous puissiez trouver un parti pour moi. Je penserai sur ce que vous me mandez au sujet des ducats à vous envoyer en espèces par un courrier. Quant aux contrats que vous avez faits avec les faiseurs du Pumpleder, vous avez fort bien fait d'accorder les conditions qu'on vous a demandées pour ces gens, aussi les tiens-je pour agréables et aurai soin du reste.

Federic.

Nach dem Concept.