1461. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRAEFFEN A FRANCFORT-SUR-LE-MAIN.

Pyrmont, 3 juin 1744.

Comme je viens de signer les ratifications du recez de l'Union qu'on a conclu à Francfort, je vous les envoie ci-jointes par l'exprès qui vous rendra la présente. Je le fais sous la condition, néanmoins, que vous n'en fassiez pas plus tôt l'échange, avant qu'on ne sera pas convenu sur la manière qu'on fera la publication de ce traité et sur la communication à en faire aux cours de Bonn et de Saxe, comme aussi à celle de Vienne.

Le prince Guillaume de Cassel vient de m'envoyer son conseiller privé d'Asseburg pour me faire des ouvertures sur les articles dont on n'a pas pu convenir tout-à-fait avec le général Donop, dans les conférences qu'on a tenues à Francfort. Ce sieur Asseburg m'ayant donné un mémoire à ce sujet, j'ai bien voulu vous en envoyer une copie, pour que vous soyez au fait de tout.

Si je dois dire mon sentiment, touchant la marche des troupes hessoises, il me semble que la demande du prince Guillaume est fondée dans la raison; il n'y a rien de plus juste que ce Prince, surtout comme Statthalter, garde ces troupes, afin de tenir celles d'Autriche en respect et ne pas exposer les pays de Hesse à quelque ravage, pour ne pas dire à quelque chose de pis; aussi la demande de ce Prince est d'autant plus prudente et légitime qu'il a devant soi l'exemple du Haut-Palatinat. D'ailleurs, je ne vois pas l'usage que l'Empereur pourrait faire de ces troupes, quand même elles se joindraient dès à présent à son armée, ni pour la défensive — puisque je crois que, par le poste avantageux que l'armée impériale occupe auprès de Philipsbourg, elle n'aura pas si aisément à craindre, surtout par le voisinage des troupes françaises qui se pourront joindre à elle d'abord que les Autrichiens conçussent le dessein d'aller attaquer celles de l'Empereur; — les Hessois seraient encore moins dès à présent pour l'offensive, puisque l'armée impériale, quand même elle serait plus forte par la jonction des Hessois, ne serait pas mise par là en état de marcher en avant et agir offensivement, aussi longtemps qu'elle aura les forces autrichiennes devant soi. Ainsi, selon moi, on pourrait facilement accorder que les troupes, toujours pourtant prêtes à marcher, restassent dans leurs quartiers, jus<168>qu'à ce que l'armée d'Autriche se sera repliée et qu'il n'y aura plus à craindre de péril pour le pays de Hanau et de Hesse. Elles viendront assez à temps, si elles se joignent à l'armée impériale lorsque j'aurai commencé mes opérations, et que, par le retour de l'armée d'Autriche vers la Bohême, les Impériaux commenceront à la suivre pour rentrer dans la Bavière. Voilà de quelle manière vous pouvez vous expliquer avec l'Empereur et le sieur de Chavigny sur cet article. Ce que vous aurez à recommander le plus fortement qu'il est possible, c'est un secret impénétrable sur les desseins que je médite et sur les engagements que je vais prendre avec l'Empereur pour le rétablissement de ses affaires, puisque, sans cela, je ne serais pas à même de pouvoir opérer ni entreprendre efficacement quelque chose. Je suis même en crainte qu'il n'en ait déjà transpiré quelque chose, pour de certains mouvements que les troupes autrichiennes qui sont restées dans le Haut-Palatinat, ont faits depuis peu, et pour de certains discours que des généraux autrichiens ont tenus, et qui sont parvenus à ma connaissance. J'ai appris de Londres que le ministre de Mayence y a effectivement signé un traité, que l'on baptise d'amitié, entre l'Angleterre et l'Électeur son maître, que le ministère anglais insinue qu'il n'a pour but que la conservation de la ville de Mayence, également comme la liberté de l'Empire, et que pour cet effet on communiquerait le traité à l'Empereur.

Le chargé d'affaires de l'électeur de Cologne a signé, le même jour, et avant son départ pour Bonn, un traité avec le ministère anglais, dont le premier a parlé avec beaucoup de circonspection, et n'a pas voulu s'expliquer ouvertement sur les subsides qui y sont stipulés pour un nombre des troupes que cet Électeur doit fournir aux Anglais.

Par des nouvelles de Hollande, on m'a voulu assurer qu'il est arrivé à la Haye de la part de l'électeur de Cologne un certain Hammerstem, qui aurait offert de la part de son maître aux États-Généraux quelques troupes, à condition néanmoins qu'on ne s'en servît pas auprès de l'armée, mais seulement pour les mettre dans des garnisons qui sont dans l'intérieur de la Hollande, pour en pouvoir retirer les troupes hollandaises qui y sont. Voilà de mauvaises nouvelles, qui font assez voir les intentions des cours de Mayence et de Bonn contre l'Empereur, et la difficulté qu'il y aura à rectifier cette dernière.

P. S.

Pyrmont, 4 juin 1744.

Je vous ai déjà ordonné dernièrement, par un post-scriptum de main propre168-1 que vous deviez travailler à faire mettre hors d'activité la sauve-garde qui se trouve encore en Ostfrise de la part de l'Empereur et de l'Empire.

Présentement, que j'ai actuellement pris possession de ce pays qui m'est dévolu, je trouve inconvénient que cette sauve-garde y soit con<169>tinuée, et c'est par cette raison que je vous réitère mes ordres de disposer l'Empereur par des insinuations convenables pour qu'il s'y prête selon mon désir. En cas que ces troupes n'appartiennent pas à l'Empereur, il suffit qu'elles soient absoutes du serment prêté à leur destination, et ainsi mises hors de faction, mais si lésdites troupes dépendent directement de la disposition de Sa Majesté Impériale, l'Empereur m'obligerait agréablement, s'il voudrait bien me les céder et, après les avoir dégagées de leur serment, les faire entrer à mes services. Et afin que ce Prince n'y perde rien, je suis prêt à lui en livrer l'équivalent en recrues. Ainsi vous travaillerez de diriger cette affaire au but désiré.

Federic.

Nach dem Concept.



168-1 Vergl. oben Nr. 1451.