1471. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRAEFFEN A FRANCFORT-SUR-LE-MAIN.

Potsdam, 15 juin 1744.

Les dépêches que vous m'avez faites en date du 6 et du 9 de ce mois, me sont bien parvenues, et le courrier Sohr vient de m'apporter celle du 8, avec le paquet où il y a eu l'original de l'invitation et de l'accession de la France au recez de l'Union confédérale,179-1 dont je ne manquerai pas de vous faire envoyer les ratifications.

J'espère que mes dépêches à vous, dont le comte de Mortagne à son retour vers Francfort a bien voulu être le porteur, vous auront été remises, et comme je vous y ai expliqué fort amplement mes intentions, je m'y remets et attends votre réponse là-dessus, que vous tâcherez de m'envoyer par une voie assez sûre.

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J'ai été bien aise d'apprendre par le post-scriptum de votre relation du 4 de ce mois que tout est réglé avec la cour de Cassel au gré de celle-ci, et j'approuve parfaitement la précaution que vous me mandez avoir prise à cette occasion.

La réflexion que le sieur de Chavigny a faite, que le maréchal de Belle-Isle soit mis à la tête de l'armée du Rhin,180-1 est fort juste, aussi ferai-je travailler sur ce sujet auprès du roi de France. Vous réitérerez audit sieur de Chavigny les assurances de mon amitié et de mon estime.

Par des lettres que j'ai eues de Moscovie, je viens d'apprendre que le baron de Neuhauss, ministre de l'Empereur à la cour de Russie, ayant reçu ordre de faire entendre au grand-veneur Rasumowski et aux sieurs Lestocq et Brummer que l'Empereur les avait nommés comtes du Saint-Empire, ces deux derniers ont été assez prudents pour prier le baron de Neuhauss de ne pas faire mention d'eux que dans quelques mois delà, afin que la grâce que l'Empereur venait de faire au Rasumowski, fût d'autant plus flatteuse pour lui, et qu'en vertu de quoi ce baron n'a parlé à l'Impératrice que du dernier, ce qui doit avoir fait véritablement plaisir à cette princesse.

Comme il y a encore à la cour de Russie le sieur de Woronzow, proche parent de l'Impératrice du côté de sa femme, fort accrédité auprès de cette souveraine et son premier confident, qu'elle consulte dans toutes les affaires d'importance et qui avec cela est un digne et très honnête homme, qui, depuis que l'Impératrice est montée au trône, a toujours été porté pour mes intérêts et à qui j'ai conféré, il y a en-viron un an, mon ordre de l'aigle noir, je souhaiterais fort que l'Empereur voulût, en égard de mon intercession, revêtir de même ce sieur de Woronzow de la dignité de comte du Saint-Empire; c'est pourquoi mon intention est que, sans la moindre perte du temps, vous devez tâcher d'en parler à Sa Majesté Impériale et faire en mon nom toutes les instances possibles auprès d'elle pour qu'elle me veuille accorder cette demande et créer ce dit sieur de Woronzow comte du Saint-Empire, ce que je regarderais comme une marque particulière de sa bienveillance envers moi, et dont je lui aurai une obligation infinie. Comme je ne doute point que Sa Majesté Impériale ne voudra se prêter à me faire ce plaisir-là, il y a encore deux points que vous observerez soigneusement, savoir 1° que l'expédition des patentes soit faite gratis ; en cas néanmoins que vous verrez que cela révolterait trop la chancellerie de l'Empereur, je m'offre de payer moi-même la taxe qu'il faut <181>pour ces patentes; 2° faut-il que cette patente soit de même date que celle de Rasumowski, parceque celles des sieurs Lestocq et Brummer le sont, et je suis déjà assuré du consentement de ces deux derniers que, vu l'utilité qui en résultera, ils sont contents que le public croie que le sieur Woronzow ait été fait comte du Saint-Empire un mois avant eux.

Je vous recommande fort cette affaire et vous ne manquerez pas de m'en faire votre rapport le plus tôt qu'il se pourra.

Federic.

Nach dem Concept.



179-1 Die Einladungsacte ist vom 6. Juni, die Accessionsacte von demselben Tage; beide in Form eines Articulus separatus et secretus des Unionsrecesses vom 22. Mai.

180-1 Klinggräffen hat am 9. Juni berichtet: „Chavigny vient de me rendre visite pour m'insinuer que je ferais bien de faire parvenir à Votre Majesté que l'état de la France était encore convalescent, et que, pour le remettre dans celui d'une santé parfaite, il était nécessaire que Votre Majesté, par Son crédit auprès de son maître, dispose les choses de façon que le maréchal de Belle-Isle fût mis à la tête de l'année du Rhin.“