1490. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRAEFFEN A FRANCFORT-SUR-LE-MAIN.

Potsdam, 3 juillet 1744.

Le sieur de Beckers, qui vient d'arriver ici, m'a bien remis la relation que vous m'avez faite en date du 27 du mois de juin passé.

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Quant au projet de l'alliance secrète entre moi et la maison de Hesse, de même qu'aux articles secrets qui doivent être insérés pour être garantis, je vous dirai qu'après avoir lu attentivement ces projets que vous m'avez envoyés, je ne trouve guère aucun changement à y faire, ainsi que vous n'avez qu'à signer; il n'y a que la remarque que vous avez judicieusement faite sur les mots, mit Dero Macht,198-1 que vous tâcherez de tempérer, s'il est possible, par une expression moins positive, sans accrocher pourtant par là la conclusion du traité, en quoi je me remets sur votre dextérité. Sur ce qui est au désir que le sieur de Chavigny témoigne de venir auprès de moi, je vous ferai savoir mes intentions à la première ordinaire.

Je ne suis point surpris de ce que le baron de Braidlohn n'a pas eu tout le succès dont on s'était flatté par rapport à sa négociation auprès de l'électeur de Cologne; je m'y suis attendu, et après qu'on a manqué le moment pour s'attacher ce Prince ou plutôt ceux à qui il se confie, je suis du sentiment du sieur de Chavigny que ce Prince n'est point à ramener de bonne grâce. Il n'est pas moins de justesse dans ce que le comte de Königsfeld a répondu à l'électeur de Mayence, et vous tâcherez de me faire avoir une copie du traité que cet Électeur a fait avec le roi d'Angleterre. Vous ne manquerez pas de même d'approfondir ce que le prince Charles198-2 peut avoir fait à Mayence, lorsqu'il y a fait un tour à l'incognito. J'attends aussi vos nouvelles sur le détachement que ce prince veut faire de son armée vers les Pays-Bas. J'ai été charmé d'apprendre le rétablissement de la santé de l'Empereur. Si lui et ses amis agissent vigoureusement, de la manière que je l'ai proposé, j'espère qu'il sera content. Je lui ai toute l'obligation possible du décret qu'il a donné au sieur de Woronzow; je l'ai envoyé d'abord à mon ministre en Russie, en lui ordonnant de se concerter à ce sujet avec le baron de Neuhauss, et je suis tout-à-fait content de la manière dont vous vous êtes acquitté de cette commission. J'ai d'autant plus de raisons de me plaindre de l'indiscrétion des ministres impériaux sur le recez d'union, qu'on a si peu ménagé que les cours de Londres et de Vienne en sont parfaitement informées et que même des gazettes publiques en parlent. Je me plaindrais amèrement si on ne ménageait pas plus les articles secrets, parcequ'une pareille indiscrétion me mettrait hors d'état de pouvoir secourir efficacement l'Empereur. Ce que vous ne dissimulerez point à ceux qui sont du secret.

En attendant, comme le temps s'approche où je dois faire mon lever de boucliers, et que j'ai trop d'attachement pour la personne de <199>l'Empereur pour y manquer, il faudra à présent que celui-ci m'envoie sans perte de temps les réquisitoriaux usités, au roi de Pologne, pourque mes troupes puissent passer la Saxe vers la Bohême sous le nom de troupes auxiliaires de l'Empereur. Mais comme le roi de Pologne est actuellement absent de Dresde, et que je perdrais trop de temps s'il fallait attendre sa réponse sur ces réquisitoriaux, il sera absolument nécessaire que l'Empereur m'envoie ces lettres réquisitoriales en double, l'une adressée au roi de Pologne et l'autre, dans les mêmes termes, à la régence de Saxe. D'abord que mes troupes commenceront à marcher, j'enverrai la première par un exprès au roi de Pologne, et je ferai usage de la seconde de ces lettres auprès de la régence en Saxe, pour n'être pas obligé d'attendre la réponse du roi de Pologne ni de faire halte avec mes troupes jusqu'à ce que la réponse dudit Roi soit arrivée, mais de pousser plutôt la marche de mes troupes pour arriver bientôt aux confins de la Bohême.

Il y a pourtant encore une chose que je veux que vous observiez absolument, c'est ce que vous devez coucher par écrit vous-même ces deux lettres réquisitoriales, et les présenter alors à la signature de l'Empereur, sans qu'aucun de ses ministres ou gens d'affaires en aient la moindre connaissance, puisque sans cette précaution je suis moralement persuadé que l'affaire ne restera pas cachée, ce qui ferait absolument échouer tous les efforts que je médite de faire en faveur de l'Empereur. J'attends là-dessus votre rapport au plus tôt possible, de même que sur la demande que je vous ai faite si je vous puis envoyer des estafettes ou de courriers sans craindre qu'ils soient interceptés.

Federic.

Nach dem Concept.



198-1 Artikel 2 des „Projects Geheimen Bündnisses“ zwischen Preussen und Hessen-Cassel besagt, dass Se. Königl. Majestät in Preussen, falls die hessischen und hanauischen Lande anlässlich des Unionstractats angegriffen werden sollten, „sogleich mit Dero Macht umso ehender zu Hülfe kommen wollen, als vielleicht Sr. Königl. Majestät in Schweden eigne Truppen zu weit entfernet sein könnten.“

198-2 Von Lothringen.