1498. AU MARÉCHAL DE FRANCE DUC DE NOAILLES A DUNKERQUE.

Potsdam, 8 juillet 1744.

Monsieur. Je vous envoie le mémoire ci-joint, dont je vous prie de faire votre rapport au Roi. Je serai sensiblement flatté du moment où je pourrai vous donner des nouvelles plus positives et plus agréables. Je vous félicite sur vos progrès en Flandre. Si l'armée des alliés ne se fortifie pas plus considérablement que par l'envoi des troupes anglaises <206>qui passent, vous pouvez encore faire de la bonne besogne, car il faut pousser sa pointe tant que la fortune nous rit.

Je regrette beaucoup M. de Beauveau, qui était d'une trempe à faire un excellent officier. J'ai oublié de vous dire qu'averti comme je suis de l'indiscrétion de la cour impériale, je ne trouve plus nulle sûreté à communiquer avec elle, et que, si le roi de France le trouve bon, nous ferons désormais nos affaires entre nous, et on n'en donnera part à l'Empereur qu'au moment de l'exécution. Je suis avec bien de l'estime, Monsieur le Maréchal, votre très affectionné ami

Federic.

Mémoire.

Nous n'avons reçu aucunes nouvelles de Russie par le dernier ordinaire, et de trois courriers que. M. de Mardefeld nous envoie, il n'en est aucun d'arrivé. Dimanche dernier, les deux ministres de Russie nous communiquèrent l'arrêt du marquis de La Chétardie et la façon dont on le renvoie. Comme ce n'est que par ces messieurs que nous sommes informés des détails de ce pays-là, on peut juger que ce que nous en savons, n'est qu'imparfait, de sorte que nous ignorons encore si les sieurs Lestocq et Brummer sont enveloppés dans le malheur du marquis de La Chétardie, et nous ignorons même également si M. de Mardefeld n'y est pas également impliqué. Ce qui donne lieu à ces appréhensions, c'est que depuis huit jours il est passé par ici deux courriers anglais, et que des trois que nous avons en chemin il n'en est arrivé aucun; que l'on juge de l'embarras dans lequel nous. jette cette incertitude, d'autant plus accablante que tout ceci nous arrive au moment que nos troupes devaient commencer à remuer. Ceci en a suspendu l'effet, et il est à croire que nos amis et nos alliés ne trouveront pas étrange que nous pensions à nos sûretés, avant que de penser plus loin.

Pour ce qui regarde le marquis de La Chétardie, il paraît que la politique veut pour ce moment que le roi de France dissimule l'affront, fait à un de ses ministres, d'autant plus qu'il n'est pas, dans le moment présent, en état de s'en venger.

Et quant à nous, on est persuadé que le roi de France ne veut que des choses possibles, et qu'il n'exigera point que nous entreprenions à notre grand risque des opérations qui, tournant mal, lui deviendraient aussi inutiles qu'elles nous seraient préjudiciables : ainsi, nous tenons nos troupes en état de pouvoir marcher en quinze jours, du moment que le cas l'exigera; mais avant que de remuer, nous voulons yoir clair dans les affaires de Russie. Si nous voyons qu'un parti s'y soutient, capable de contrebalancer les pernicieux desseins des Anglais dont le Bestushew est l'organe, nous marcherons le 15 du mois d'août; mais si, contre notre espérance, tout notre parti est culbuté, nous serons obligés d'attendre jusqu'à ce que les conjonctures nous deviennent plus favorables dans ce pays-là.

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Mais comme notre diversion, en cas que nous la puissions faire, débarrasse la France du plus grand fardeau de la guerre, nous ne pouvons nous empêcher de lui insinuer qu'il semble convenable pour le bien commun et pour le premier rôle qu'il convient au roi de France de jouer dans cette guerre, qu'il se détermine positivement sur l'envoi d'un corps de troupes dans le pays d'Hanovre. On se rapporte, sur ce sujet, aux raisons qui ont été alléguées dans le dernier mémoire. Nous sommes bien mortifiés des inconvénients inopinés qui nous sont survenus, mais on ne peut s'en prendre qu'à la cour de Londres et à l'argent immense qu'elle a dépensé à Moscou, comme je l'ai marqué dans mon dernier mémoire. Cependant le roi de France sera averti, à point nommé, du moment que nous pourrons agir, si les conjonctures le nous permettent.

Das Schreiben nach Abschrift der Cabinetskanzlei. Die Denkschrift nach dem eigenhändigen Concept.