1535. AU MARÉCHAL DE FRANCE DUC DE NOAILLES [A SCHLÉSTADT].

Potsdam, 9 août 1744.

Monsieur. J'ai reçu votre lettre avec bien du plaisir, et j'attends des nouvelles de l'Alsace avec beaucoup d'impatience. Si l'on compte les retraites que les Français ont faites depuis deux ans, de Deggendorf jusqu'aux montagnes des Vosges, elles surpassent tout ce qui l'histoire nous produit en ce genre de guerre, et, si vous allez en avant de même, vous serez au mois de décembre aux frontières de Belgrad. Je le souhaite beaucoup, mais je ne vois pas encore tous les préparatifs nécessaires pour rentrer en Bavière, car vous n'avez pas préparé à cette expédition ni les Hessois ni les Palatins. Ce dernier prince s'engage à fournir 11,000 hommes, pourvu que le roi de France les paie, et je m'engage de faire marcher les Hessois, pourvu que l'argent ne leur manque pas; ainsi, tout ceci se réduit à payer promptement la gloire que vous allez acquérir.

Messieurs de la Saxe ont été prodigieusement surpris à la lecture des réquisitoriaux impériaux; ils ne s'attendaient à rien moins qu'à une pareille aventure; mais nécessité leur a été de s'y prendre à tout de bonne grâce et d'avaler des couleuvres. Il me semble que M. de Saint - Séverin devrait avoir des propositions à faire au roi de Pologne, relativement à ses intérêts d'Allemagne, et dès que cela sera secondé par les succès de mes armes et par la négociation de mes ministres, nous <241>leur ferons signer un traité tel qu'il nous plaira, qu'ils feront de mauvaise grâce, et qu'ils rempliront de même.

Il n'est plus nécessaire à présent de cacher les engagements lesquels j'ai pris avec l'Empereur, mais il sera bon de ne point parler de ceux que j'ai pris avec le roi de France, jusqu'au moment que les Français seront rentrés en Bavière; car vous ne sauriez croire le tort que cela me ferait en Allemagne, et il faut ménager le Corps Germanique jusqu'au moment que nous ayons expulsé les troupes de la Reine des frontières de l'Empire.

L'intérêt ni l'ambition n'ont aucune part au parti que j'ai pris. C'est une nécessité pour moi d'avoir des alliés et de soutenir l'Empereur. Je regarde le service que je rends à la France de lui tirer à présent l'épine du pied, comme une chose dont elle sera toujours reconnaissante, et qui nous fait connaître de part et d'autre combien nos intérêts sont les mêmes, et que nous ne nous pouvons pas facilement nous passer de nos secours mutuels. D'un autre côté, le Roi votre maître peut aussi peu que moi sacrifier l'Empereur et l'Empire à l'ambition de la reine de Hongrie, et c'est un point principal pour nous d'exclure à jamais le duc de Lorraine et sa succession de ce trône, et il ne faut pas songer à poser les armes avant que d'avoir réglé ce point, qui, selon moi, est le principal de tous. Car, si dans deux ou trois ans l'Empereur venait à mourir, ce serait à recommencer de nouveau, et toute la peine que l'on se donne à présent, serait perdue. Décidons donc bien ce grand point, pour qu'il ne puisse jamais être remis en question.

Je vous félicite sur la belle manœuvre de M. de Conty. J'ai trouvé sa disposition admirable. H faut de l'audace à la guerre, et un homme comme Broglie, à la tête des meilleures troupes de l'univers, trouverait le moyen d'en faire des femmelettes, en les faisant retirer deux cent lieues, sans prendre haleine, devant leurs ennemis.

Je vous prie de me croire avec une parfaite estime, Monsieur le Maréchal, votre très affectionné ami

Federic.

Nach dem eigenhändigen Concept.