1541. A L'IMPÉRATRICE DE TOUTES LES RUSSIES A MOSCOU.

Berlin, 10 août 1744.

Madame ma Sœur. Je n'ai pas voulu manquer de faire part à Votre Majesté Impériale, comme à ma plus chère alliée, du parti que je me vois obligé de prendre, d'assister l'Empereur contre la reine de Hongrie, qui le veut détrôner. Ce qui m'a le plus déterminé au parti que je prends, est sans contredit pour venger Votre Majesté Impériale du peu de considération que la reine de Hongrie fait de Sa personne, de l'infâme conspiration du marquis de Botta, et du dessein constant qu'a la cour de Vienne de remettre un jour le jeune Iwan sur le trône de Russie. Les ministres de Votre Majesté Impériale à ma cour m'ont assuré positivement que Votre Majesté approuverait beaucoup mon dessein, et je tâche de mériter encore plus Ses suffrages dans l'exécution de ce projet, que j'exposerai à Votre Majesté Impériale en deux mots : il consiste à pénétrer en Bohême par trois endroits, à prendre Prague, <248>pour obliger l'armée du prince Charles de Lorraine à quitter entièrement le territoire de l'Allemagne, et à procurer à l'Empereur une possession quelconque.

Je passe, avec les réquisitoriaux de l'Empereur, avec deux colonnes de mes troupes par la Saxe; les ministres ont mis au jour dans cette occasion toute la mauvaise volonté qu'ils ont pour l'Empereur et pour moi, et ils se plaignent d'avance que l'Empereur fait marcher mes troupes par leur électorat, lorsque la reine de Hongrie a bien fait marcher toute son armée à travers des cercles de l'Empire et les électorats palatin et de Mayence. Heureux sont les peuples qui sous la protection de Votre Majesté Impériale jouissent d'une paix inaltérable et du repos. Je me flatte que ma patrie, délivrée de la tyrannie que la reine de Hongrie veut y exercer, pourra se retrouver dans peu dans une pareille tranquillité heureuse. Pourrais-je prier encore à cette occasion Votre Majesté Impériale de vouloir bien faire sentir au sieur de Gersdorf,248-1 ministre de Saxe à Sa cour, qu'Elle verrait de bon oeil que le roi de Pologne eût moins de partialité pour l'Empereur.

Je félicite en même temps Votre Majesté Impériale sur la paix glorieuse avec la Suède, dont la proclamation s'est faite à Moscou, et sur les promesses du jeune Grand-Duc. Puisse le Ciel répandre ses bénédictions sans discontinuation sur le règne glorieux de Votre Majesté. Il n'est aucun bonheur que je ne Lui souhaite comme il n'en est aucun dont Elle ne soit digne: ce sont les sentiments avec lesquels je serai toute ma vie, Madame ma Sœur, de Votre Majesté Impériale le très bon frère et allié

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.



248-1 In der Vorlage ist verschrieben: Bülow.