1554. AU FELD - MARÉCHAL COMTE DE SCHMETTAU A METZ.

Camp de Péterswalde, 24 août 1744.

Vos dépêches des 9, 13 et 16 de ce mois m'ont été bien rendues. Le récit que vous m'avez fait dans celle du 13 du dangereux état où le roi de France a été, m'a autant alarmé que j'ai été infiniment consolé lorsque j'ai vu par la vôtre du 16 que, grâce à Dieu, ce grand et digne Prince a été tiré hors d'affaire et que sa précieuse santé a commencé à se rétablir; aussi fais-je des vœux ardents pour que cela continue. Je ne saurais qu'approuver le parti que' vous aviez pris, si ce malheur eût existé que le Roi fût décédé, mais à présent que l'événement sur lequel on a été tant menacé, ne soit plus à craindre, et que pourtant la recorivalescence du Roi pourrait être un peu longue, je trouve très bien pensée la résolution que vous avez prise, de concert avec le maréchal de Belle-Isle, à ce que m'a dit votre frère, d'aller vousmême auprès de l'armée française, pour y pousser les opérations dont on est convenu, en attendant que ledit Maréchal restera auprès du Roi, quoique, à vous parler en confidence, j'aurais mieux aimé par plus d'une raison que le maréchal de Belle-Isle eût eu le commandement de l'armée et que le maréchal de Noailles fût resté auprès du roi de France. Je me persuade toujours qu'on ne manquera pas de la part de l'armée française de profiter de la mauvaise situation où est l'armée du prince Charles, pour lui faire tant de mal qu'il est possible, et pour la tenir en échec, afin qu'elle ne puisse rétrograder que le plus tard qu'il sera possible et après bien des pertes, afin que j'aie le loisir de prendre Prague, Budweis, Tabor et Frauehberg et peut-être Égra, avant que l'ennemi puisse arriver vers les frontières de la Bohême. J'ai trop de confiance sur la parole que le roi de France m'a donnée à ce sujet, pour que je dusse douter qu'il ne dût remplir exactement ses engagements; je me flatte même qu'on fera plus qu'on n'a promis, pour le bien de la cause commune. Batthyany est entré en Bohême, et, selon les avis que j'ai, il pourrait se jeter avec ses troupes en Prague pour le défendre, ce qui rendra mon entreprise un peu plus difficile. J'espère néanmoins d'en venir à bout et de prendre, avec Prague, peut-être Batthyany et son corps de troupes. Je viens d'apprendre que le maréchal de Noailles a changé de résolution de faire passer d'abord le Rhin à l'armée de Seckendorff, irrésolution qui ne me plaît pas. Quant à la demande que le comte d'Argenson et le maréchal Belle-Isle ont <257>fait au sujet des prisonniers que je pourrais faire sur les Autrichiens et leur milice, je m'y prêterai bien, si j'en prends autant que j'en aurai de reste pour échanger ceux que l'ennemi pourra faire par ci par là sur les miens, ce qui se règlera selon le succès que mes opérations auront. Quant à la marche d'un corps d'armée vers la Westphalie, je suis toujours d'opinion qu'elle soit absolument nécessaire, quand même on ne le ferait qu'après avoir pris Fribourg; il y a trop de raisons pourquoi cette marche me paraît absolument nécessaire, savoir qu'on donne par là de chaudes alarmes au roi d'Angleterre et l'oblige ou d'accepter une neutralité ou de mettre de l'eau dans son vin, et qu'on tient par là les électeurs de Mayence et de Cologne en respect, prenant en même temps la revanche du dernier pour toutes les insultes qu'il a faites jusqu'ici tant à l'Empereur qu'à la France, et, ce qui est le principal, qu'on couvre par là mes provinces au-delà du Weser des invasions que le roi d'Angleterre pourrait faire, s'il n'avait rien à craindre de ce côté-là et qu'il joignît aux troupes hanovriennes celles de l'électeur de Cologne. Ce corps d'armée français pourrait faire sa chaîne par Düsseldorf. On se souviendra que la France m'a promis257-1 de me tenir le dos libre, pendant que j'opèrerai en Bohême, et qu'elle m'a garanti mes provinces au-delà du Weser de toute invasion. C'est pourquoi vous devez pousser fort à la roue qu'on ne change rien au plan touchant l'envoi d'un corps de troupes vers la Westphalie.

La Saxe commence à présent de faire la revêche, au sujet du passage de mes troupes. Elle menace de s'en venger, en réclamant l'assistance de la Russie, et j'ai même des indices qu'elle chipote quelque chose avec la cour de Vienne; je crois néanmoins qu'elle ne se décidera pas, avant qu'elle n'ait vu les succès de mes opérations, et qu'elle se jettera alors au parti du plus fort. Je souhaiterais, en attendant, que la cour de France voudrait parler là-dessus d'un ton haut au ministre saxon et que le comte de Saint-Séverin eût des instructions pour faire des représentations sur tous ces sujets. Sur cela, je prie Dieu etc.

Nous n'avons pas assez de canon pour faire deux siéges à la fois ; ainsi, de nécessité, s'il y a beaucoup de garnison à Budweis, nous serons obligés d'attendre que Prague soit rendu, pour pouvoir prendre Budweis. Prague sera l'affaire de dix jours, ils y ont 4 à 5,000 Cravates, 5,000 miliciens, le régiment d'Ogilvy, et le reste, je n'en suis pas encore informé. Batthyany est à Pilsen, les hussards autrichiens ont pillé un village saxon, d'où je les ai fait chasser. Les Saxons nous ont fait nos ponts et nous ont donné toute la facilité imaginable pour notre passage. Le comte de Brühl en murmure, mais je suis persuadé que, pour peu que l'Empereur lui offre, il l'aura dans sa manche. Son maître est coglione, ma glorioso, il veut s'agrandir sans y mettre du <258>sien. La France n'a qu'à profiter de si belles dispositions pour faire son coup.

Federic.

Nach der Ausfertigung. Der Zusatz eigenhändig.



257-1 Vergl. oben S. 132 Anm.