1574. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A METZ.

Camp devant Prague, 10 septembre 1744.

Vos relations en date des 24, 28 et 30 du mois d'août passé m'étant bien parvenues, j'ai reçu, avec le post-scriptum de celle du 24 dudit mois, le mémoire secret concernant la Russie.

Après l'avoir bien examiné, j'ai trouvé que son auteur a parfaitement bien détaillé les raisons de la nécessité qu'il y a que la France envoie sans perte de temps un homme entendu et de distinction à la cour de Russie, et qu'elle tâche par toute sorte de moyens à se concilier l'amitié et la confiance de l'Impératrice et de la maison de Holstein, en offrant ses bons offices à moyenner un accommodement par rapport au duché de Sleswig, afin de rendre vains par là les efforts que le parti anglais et autrichien fait pour avoir la Russie dans son parti.

Tout cela va fort bien, mais de vouloir tirer un parti réel de la Russie et disposer l'Impératrice de faire valoir, par un contingent de troupes et par des subsides à payer à la Suède, les droits des ducs de Holstein, par la prise de Brême et de Verde, pour en faire à la pacification générale un échange contre le duché de Sleswig, c'est, selon moi, vouloir tâcher l'impossible, et, autant que la carte du pays m'est connue, je défie qui que ce soit de disposer l'Impératrice à se mettre dans un cas qui ne saurait être que fort embarrassant pour elle, ce qu'elle n'aime absolument point. Je pense donc qu'il faudra prendre de ce plan tout ce qui est solide, et laisser le reste aux conjonctures qui se présenteront. Je conviens qu'il est de toute nécessité que la France envoie sans le moindre délai et au plus tôt possible en Russie un homme entendu et de distinction, mais pour y pouvoir négocier avec succès, et pour ne pas être rebuté, pour ainsi dire, à la porte, il faudra que la France ne lanterne plus sur le titre de l'impératrice de Russie. De plus, il faudra que cet envoyé soit autorisé d'agir selon que les conjonctures se présenteront, et surtout, qu'il soit muni de bonnes pièces ; alors, tout le reste viendra de soi-même, pourvu qu'il y ait un homme d'esprit et de capacité. Voilà en bref ce que je pense sur le projet en question, sur quoi vous ne manquerez pas à communiquer avec le feld-maréchal Schmettau. Au reste, les arrangements qui, selon votre relation du 28 d'août passé, ont été pris pour pousser vivement les Autrichiens, m'ont donné bien de la satisfaction; je souhaite seulement que tout soit bien exécuté, ce dont j'attends vos nouvelles avec impatience.

Federic.

Nach dem Concept.