1630. AU ROI DE FRANCE A VERSAILLES.

Königgrätz, 26 novembre 1744.

Monsieur mon Frère. Le nombre extrême des troupes légères de l'ennemi ont si fort barré tous les chemins que je n'ai pas voulu risquer de donner à Votre Majesté des nouvelles de mes opérations; je Lui dirai en peu de mots, me réservant à Lui en faire une relation plus détaillée, tout ce qui s'est fait pendant la campagne.

Votre Majesté saura qu'après la prise de Prague je fus pressé par tous ceux qui ont fait la guerre en Bohême, de marcher à Tabor et Budweis. Ces deux endroits furent pris sans grande résistance. Depuis, je passai la Moldau à Tein, et me préparais à couper les Autrichiens de leur patrimoine, lorsque j'appris tout-à-coup, à cause que ma correspondance avait été interrompue, que la Saxe s'était déclarée et que les troupes marchaient droit vers Prague. Les Autrichiens avaient, de plus, fait trois ponts sur la Moldau, moyennant quoi j'aurais été coupé de Prague. Ces mouvements m'engagèrent de m'approcher de la Sazawa. Les ordres que j'envoyai aux commandants de Tabor et de Budweis d'évacuer les places, ne parvinrent point; Tabor brûla par les bombes, Budweis, qu'on n'avait pas eu le temps de ravitailler, fut pris faute de munitions. J'ai fait depuis, par trois reprises, de vains efforts pour attaquer l'ennemi dans son camp, mais je l'ai toujours trouvé ou derrière de grands marais ou dans de hautes montagnes escarpées. M. de Traun fit ensuite un mouvement très sensé, en marchant par sa droite du côté de Kuttenberg, où il me mettait dans la nécessité de choisir de deux partis extrêmes celui qui l'était le moins. J'étais coupé de mon pays par toute la frontière montagneuse de Saxe, dont les gorges sont occupées et retranchées; M. de Traun, en me gagnant une marche, me coupait de la Silésie; il ne restait donc d'autre parti à prendre que de se mettre derrière l'Elbe, ne pouvant combattre cette armée dans un pays extrêmement fourré et difficile, rempli, de quart de lieue en quart de lieue, de défilés, de marais et de bois très touffus. La rigueur de la saison m'obligea à cantonner mes troupes près des unes des autres, les Autrichiens passèrent l'Elbe, et je me suis posté ici à Königgrätz, le dos contre les gorges de la Silésie.

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Votre Majesté verra par ce récit que la campagne n'a pas eu le succès que je m'en étais attendu, en quoi le parti que la Saxe a pris n'a pas peu contribué.

Je crois, selon mon sentiment, que le mieux qui nous reste à faire, est de songer à la paix. Quoi qu'il puisse arriver, je reste indissolublement uni à Votre Majesté, et, pour Lui dire mon sentiment, je ne demande aucun avantage pour moi, et il me semble que, si l'on peut obtenir pour l'Empereur que la'reine d'Hongrie reconnaisse l'Empereur et lui donne, pour la reconciation à ses prétentions, l'Autriche antérieure, dans la circonstance présente l'on pourrait être content. Je prie Votre Majesté de me dire si Elle croit que les ministres pourraient faire de pareilles propositions en Hollande; si Elle approuverait la médiation de la Suède jointe à l'Hollande ; si Elle ne croit pas que, pour montrer toujours une égale modération, il conviendrait de faire parvenir des pareilles propositions en Angleterre. Si elles sont acceptées, nous aurons la paix, si on les rejette, quel plus sûr moyen pour indisposer la nation anglaise contre le Roi et le ministère? Je ne ferai rien sans Votre Majesté, mais je La prie de vouloir bien me dire, article par article, Ses sentiments, pour que je puisse agir toujours d'une manière conforme à ce qui pourra être en cela de nos intérêts réciproques, qui en vérité sont inséparables. J'ai oublié de dire à Votre Majesté que le défaut de subsistance a été la cause principale de ce que cette campagne a manqué. Je m'en rapporte à un récit plus détaillé que je me propose de Lui envoyer, dès que la multitude d'affaires que j'ai me le permettront. Je suis etc.

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.