1638. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A MOSCOU.

Schweidnitz, 6 décembre 1744.

Après vous avoir envoyé ma dépêche du 30 du novembre dernier, j'ai reçu à la fois vos relations des 2, 7 et du 9 dudit mois. J'avoue que celle du 7 m'a autant surpris qu'affligé, lorsque j'y ai vu que, par des traits de la plus noire malice et des calomnies les plus ridicules, on ait pu tant imposer à l'Impératrice qu'elle ait été sur le point de <334>se laisser entraîner non seulement à donner les mains à la soi-disante Ligue Sainte,334-1 mais d'envisager même mon passage par la Saxe comme une rupture qui l'engage à prêter du secours au roi de Pologne et à épouser entièrement ses intérêts si mal fondés. Si le premier ministre n'est pas tout-à-fait aveuglé, j'espère que la réponse qu'on vous a envoyée de ma part sur son promemoria,334-2 lui fera voir clair comme le jour l'absurdité de toutes les imputations que les Saxons lui ont fournies, et le fera rougir de ce qu'il a donné dans des contes si frivoles; aussi devez-vous bien expliquer à votre ami de conséquence334-3 toute la noirceur de cette malice, à qui vous devez donner les assurances les plus fortes que, par l'assistance que je fais à l'Empereur Romain, je ne demandais rien pour moi ni de m'agrandir, mais que mon unique but était de faire ravoir à l'Empereur son patrimoine et de le soutenir dans son autorité, sans que mon intention fût ni d'écraser ni de ruiner la reine de Hongrie; que je ne cherchais que de contribuer à rendre, le plus tôt le mieux, et même cet hiver encore s'il est possible, la paix et le calme à l'Allemagne, sans me mêler des autres affaires de quique ce soit, et que je serais au comble de ma joie, si l'Impératrice y voulait contribuer par ses bons offices, et qu'elle serait convaincue alors de la pureté de mes intentions, tout comme elle trouverait que les Saxons et leur clique ne cherchent autre chose qu'à jeter de l'huile dans le feu de la guerre, qu'à s'élever, s'il est possible, sur ma ruine, et, après avoir brouillé l'Impératrice avec le plus naturel et le plus fidèle de ses amis, et obtenu ainsi leurs buts, à se rendre redoutables à l'Impératrice même, au gouvernement de laquelle et aux arrangements qu'elle a établis pour sa succession, aussi bien qu'au mariage du Grand-Duc, le parti saxon n'est assurément pas attaché.

Vous devez faire les mêmes insinuations à la princesse de Zerbst, et comme j'ai fort goûté votre conseil sur la lettre que je dois écrire à l'Impératrice pour la rectifier un peu, je vous l'envoie ci-clos, écrite de ma main propre, en y joignant une copie. Vous la remettrez à la princesse de Zerbst, afin qu'elle la fasse tenir convenablement à l'Impératrice, en la conjurant de ma part de ne se point laisser surprendre sa religion par les fausses insinuations des mal intentionnés et par les artifices de la Saxe.

Après tout cela, il faut que je vous dise que, quoique votre relation du 9 du mois dernier m'ait un peu rassuré sur mes alarmes, par les nouvelles espérances que vous avez conçues que l'Impératrice cultivera soigneusement mon amitié et ne se laissera pas entraîner par le parti saxon, de même que par tout ce que votre ami d'importance, avec vos autres amis, vous ont dit — que néanmoins je suis encore incertain <335>sur la réalité de leurs assurances, aussi longtemps qu'ils se défendent contre lés libéralités que je vous ai ordonné de leur faire ; c'est pourquoi vous devez faire de nouveaux efforts, pour vous assurer soit le premier ministre soit son collégue, afin d'effectuer par l'un ou l'autre d'une manière stable un de ces trois propos, savoir

1° Que l'Impératrice ne donne point de secours ni à la Saxe ni à l'Angleterre, aucun d'elles n'étant attaquée et par conséquent point en droit de réclamer son secours;

2° Ou de disposer l'Impératrice au point qu'elle fasse insinuer au roi de Pologne qu'elle n'aimait pas de voir qu'il donnât du secours à la reine de Hongrie, et que, si au bout du compte il en résultait des suites fâcheuses au roi de Pologne, il n'aurait alors point de l'assistance à espérer de la Russie; ou

3° De disposer l'Impératrice qu'elle se mêle de la prompte pacification de l'Allemagne.

En vous instruisant sur ces propositions, je laisse à votre dextérité d'en choisir celle que vous trouverez la plus faisable, m'étant impossible de pouvoir vous instruire positivement sur l'une ou l'autre, pendant que je ne puis pas juger de l'assiette actuelle de la cour de Russie, lorsque cette dépêche vous sera parvenue. Je vous donne la même autorité par rapport à ma dépêche susmentionnée du 30 du novembre passé, afin que vous fassiez tel usage de son contenu que vous trouverez convenable au temps et -aux circonstances, me remettant en tout sur votre zèle et fidélité reconnue pour mon service.

Du reste, comme je vous ai déjà marqué que par le manque de subsistance pour une si grande armée que la mienne a été en Bohême, je me suis vu obligé d'en replier vers les frontières de la Silésie, pour y mettre mes troupes en quartier d'hiver, et que pendant cela les Autrichiens ont tenté une invasion avec un corps des troupes dans ma comté de Glatz, nonobstant que j'ai toujours déclaré que, si je donnais des troupes à l'Empereur, ce n'était qu'en qualité d'auxiliaire, me tenant, au reste, au traité de Breslau et ne prenant point de part, de mon chef, de la guerre, je vous donne à considérer et en attends votre rapport si je puis bien, avec espérance de quelque succès, réclamer de la Russie le secours stipulé dans nos traités.

J'attends votre rapport, par le premier courrier que vous m'enverrez, combien je suis en arrière aux comtes de Lestocq et Brummer.

Comme j'ai été le plus agréablement surpris par la nouvelle que vous m'avez donnée de l'attention particulière que Sa Majesté Impériale veut bien avoir pour moi, en me destinant un présent de 300 chevaux de l'Ucraine, vous devez l'en remercier de ma part par tout ce que vous pouvez imaginer de plus poli et de plus obligeant; aussi enverrai-je quelqu'un de mes officiers de la Prusse vers Riga auprès du maréchal Laci pour s'en enquérir.

Federic.

Nach dem Concept.

<336>

334-1 Zwischen Venedig, dem wiener Hofe und der Republik Polen (von 1684.)

334-2 Betreffend die Vorgänge auf dem Reichstage zu Grodno (vergl. oben S. 327). Die Entgegnung ( „Factum“ ) auf die russische Note war am 28. November an Mardefeld aus dem Ministerium abgesandt worden.

334-3 Woronzow.