1642. AU MARÉCHAL COMTE DE SECKENDORFF A AUGSBOURG.

Schweidnitz, 9 décembre 1744.

Monsieur. Comme depuis ma dernière du 14 du mois de novembre passé je n'ai point eu occasion de vous donner de mes nouvelles, j'ai bien voulu le faire par la feuille ci-jointe, qui est un récit très naturel et très fidèle de tout ce que s'est passé; vous jugerez aisément du chagrin qui me navre de ce que pendant la campagne passée les choses ne sont parvenues à ce but que je m'en étais proposé, et que j'ai été obligé de me replier avec mon armée vers la Silésie; mais quoique j'aie fait tous les efforts possibles pour venir à une affaire décisive avec l'ennemi, néanmoins tout cela a été en vain, l'ennemi s'étant toujours posté ou derrière de grands lacs et marais ou sur de hautes montagnes escarpées, où il a été absolument inattaquable. En attendant, l'ennemi m'a rendu infiniment difficile, par le nombre extrême de ses troupes légères, la subsistance, en quoi pourtant il n'aurait pas si bien réussi qu'il a fait, s'il n'avait pas eu tous les habitants du plat pays pour lui, et si le pays de Bohême, extrêmement fourré et difficile, rempli, de quart en quart de lieues, de défilés, de marais et de bois très touffus, n'avait pas donné tant de facilités à ses partis de troupes légères, pour me barrer les chemins par où j'étais obligé de faire mener ma subsistance. Et comme j'étais coupé de mon pays par la manœuvre infidèle de la cour de Saxe, et par la frontière très montueuse de Saxe dont les gorges furent retranchées et occupées par des troupes saxonnes, et qu'outre cela le maréchal Traun eut l'adresse de me gagner une marche vers Kuttenberg par laquelle il fut en état de me couper de la Silésie, je me suis vu par là dans la nécessité de choisir — n'étant plus de milieu — ou de voir périr mon armée faute de subsistance, ou de quitter la Bohême; ainsi donc, comme je viens de prendre le dernier parti, je suis trop assuré de votre pénétration que vous ne l'approuviez. B ne me manque pourtant pas la ressource de faire, au printemps qui vient, une campagne vigoureuse, qui mettra nos ennemis dans le même embarras que celui d'où ils viennent de sortir, et comme le temps ne me permet pas de m'expliquer ultérieurement sur tout ceci, étant sur le point de faire un voyage à Berlin pour faire quelques arrangements, je n'oublierai point, dès que j'y serai arrivé, de vous communiquer mes sentiments et de vous envoyer en même temps une relation assez détaillée et circonstanciée de tout ce qui s'est passé pendant cette campagne.

J'ai encore à vous dire que j'ai été extrêmement mortifié, lorsque j'ai appris de quelle manière indigne le feld-maréchal Schmettau a parlé sur votre sujet, dans ses relations vraies ou prétendues, que les Autrichiens doivent avoir interceptées et fait imprimer. Vous pouvez croire qu'une pareille relation que celle que les Autrichiens ont fait imprimer <340>ne m'est jamais parvenue de sa part, et si elle me serait parvenue, je n'aurais jamais manqué de. le traiter comme il faut de ce qu'il s'explique d'une manière si indigne sur des personnes qui ont toute mon estime, et lesquelles je trouve dignes de toute mon amitié. Aussi ai-je d'abord pris la résolution de rappeler ledit Schmettau de son envoi, en lui déclarant le grand mécontentement que j'avais de sa conduite, et même, quand il sera de retour à Berlin, je lui donnerai défense de me voir ni venir à ma cour. Tout ce que j'ai à vous prier, est de ne pas croire comme si je prenais part du mauvais procédé de Schmettau, et de vous conjurer après de ne point abandonner le service de l'Empereur, ni de laisser tomber les mains, mais de continuer plutôt d'agir de cette même manière que vous avez fait jusqu'à présent, pour le bien de l'Empereur et de tout l'Empire, sans quoi tout ira à rebours et tombera en ruine. Je suis avec des sentiments de l'estime la plus distinguée, Monsieur, votre très affectionné ami

Federic.

Nach dem Concept.