1656. AU ROI DE LA GRANDE-BRETAGNE A LONDRES.

Berlin, 19 décembre 1744.

Monsieur mon Frère. Je ne doute pas que Votre Majesté ne soit déjà informée du manifeste que la cour de Vienne a fait imprimer et répandre partout, pour exciter les États et habitants de la Silésie et de la comté de Glatz, par des expressions peu usitées jusqu'ici entre des têtes couronnées et des nations civilisées, à la révolte contre leur légitime souverain, et pour les exhorter à se soustraire à ma domination et de seconder les efforts qu'elle allait faire pour se remettre en possession de ces provinces, sous le frivole prétexte que la cession qu'elle m'en avait faite, devait être censé nulle, comme étant extorquée par une force majeure, et que d'ailleurs, par le secours que j'avais prêté à l'Empereur pour le soutien de sa dignité et le recouvrement de ses États patrimoniaux, la reine de Hongrie se croyait entièrement dégagée de l'obligation du traité de Breslau et en droit de m'enlever à main armée les avantages qui m'y ont été assurés.

Bien que je n'ignore pas les liaisons étroites où Votre Majesté Se trouve avec la reine de Hongrie, je ne saurais cependant m'imaginer qu'Elle approuvât cette démarche, et qu'Elle ne sentît tout le venin de ces principes très dangereux au moyen desquels la cour de Vienne prétend la justifier, aussi bien que les terribles conséquences qui en doivent naturellement résulter, tant pour la tranquillité publique en général qu'en particulier pour les intérêts de Votre Majesté et de Ses alliés. En effet, s'il était permis de se relever des cessions faites par des traités solennels, sous prétexte qu'elles avaient été extorquées par une force majeure, aucune puissance du monde ne pourrait être assurée de ses acquisitions, puisqu'il n'en est guère que l'on n'ait obtenues par une force supérieure, personne n'étant pour l'ordinaire d'humeur de céder un pays qu'il croit lui appartenir, à moins d'y être réduit par la nécessité des circonstances où l'on se trouve.

Il en est de même du second principe que la cour de Vienne a trouvé bon d'avancer, et en vertu duquel elle soutient que le secours que ma qualité de prince - électeur et État de l'Empire et le danger manifeste de son chef, aussi bien que de son système, m'ont obligé de donner à l'Empereur, lui fournit une raison légitime pour me traiter en ennemi: principe qui renverse totalement la différence très essentielle, universellement reconnue par toutes les nations civilisées, et passée en maxime du droit des gens, d'une partie belligérante d'avec une puissance auxiliaire, et qui d'ailleurs exposerait Votre Majesté et tous les autres <361>princes et États qui ont assisté la reine de Hongrie, à être regardés et traités en ennemis par l'Empereur et ses alliés.

Comme Votre Majesté a soutenu Elle-même, au commencement des troubles qui se sont élevés au sujet de la succession d'Autriche, la réalité de cette différence, et que c'est là-dessus qu'Elle a fondé la demande d'assistance qu'Elle a faite à Ses alliés, depuis qu'à cause des secours dormés à la reine de Hongrie la France a jugé à propos de déclarer la guerre à Votre Majesté, je me flatte qu'Elle n'hésitera point de faire tous Ses efforts à la cour de Vienne pour la rectifier sur ce sujet et pour la détourner de l'invasion dont elle menace mes États de Silésie. Toute l'Europe a été informée des motifs qui m'ont fait agir pour prévenir le bouleversement général de l'Empire et la ruine de son chef, pour soutenir sa dignité et son élection, contestée publiquement par la cour de Vienne, et pour le rétablir dans ses États héréditaires, et, enfin, pour ramener la paix en Allemagne.

Ce sont là des devoirs primitifs d'un vrai patriote allemand et d'un fidèle membre du Corps Germanique, qui me sont non seulement communs avec Votre Majesté dans Sa qualité d'électeur de l'Empire, mais dont aucun engagement au monde n'a pu me dispenser.

Cependant, si j'ai songé à remplir ces devoirs, mon intérêt propre n'y a jamais eu la moindre part, et Votre Majesté n'ignore pas que dès le commencement j'ai déclaré, tout comme je le déclare encore, que je ne prétends rien pour moi de la reine de Hongrie et que je m'en tiendrai toujours au traité de Breslau, aussi longtemps que cette Princesse ne voudra pas l'enfreindre elle-même. C'est pourquoi, et au cas que la cour de Vienne s'obstine, selon sa coutume, à tenter l'exécution de son injuste dessein, je ne puis me dispenser de réclamer solennellement, comme je le fais par la présente, la garantie que Votre Majesté m'a accordée pour la possession du duché de Silésie et de la comté de Glatz, en La priant de faire les dispositions nécessaires pour me faire jouir réellement de l'effet de cette garantie, en cas de nécessité, conformément aux engagements qu'Elle a contractés avec moi à ce sujet par l'acte de garantie du 24 juin 1742 et par le traité d'alliance conclu à Westminster, le 18 novembre 1742.

Je m'adresse pour cet effet à Votre Majesté avec d'autant plus de confiance que la cour de Vienne, en traitant, comme elle fait, d'extorquées les renonciations contenues dans le traité de Breslau, manifeste évidemment que son intention n'a jamais été de s'y tenir, et qu'elle a constamment conservé le dessein de se prévaloir de la première occasion favorable pour s'en relever et pour me dépouiller des États qu'elle m'a solennellement cédés, par où elle établit invinciblement la justice et la nécessité des mesures et des résolutions que j'ai cru devoir prendre pour l'empêcher de se mettre à même d'exécuter ce pernicieux dessein, en écrasant le chef de l'Empire et en rétablissant l'ancien despotisme de la maison d'Autriche sur le Corps Germanique.

<362>

C'est aussi par ces raisons que je me flatte que Votre Majesté Se déterminera favorablement sur ma demande, et je saisis avec plaisir cette occasion pour Lui renouveler les assurances les plus fortes que je remplirai religieusement tous les engagements pris avec Votre Majesté et la couronne britannique, et qu'en particulier je m'acquitterai avec ponctualité du paiement des sommes hypothéquées à la nation anglaise sur la Silésie, dont je me suis chargé par le traité de Breslau, étant d'ailleurs avec des sentiments d'une amitié et estime parfaite etc.

Federic.

H. Comte de Podewils. C. W. Borcke.

Nach dem Concept.