1661. AU CONSEILLER ANDRIÉ A LONDRES.

Berlin, 20 décembre 1744.

J'ai appris avec bien du plaisir que le roi de la Grande-Bretagne a remis la direction générale des affaires étrangères entre les mains d'un ministre aussi digne et habile que le lord Harrington, dont la droiture et les sentiments de vrai patriote anglais et de fidèle serviteur de son maître me font bien augurer pour le rétablissement de la paix à des conditions justes et raisonnables. Vous ne manquerez pas de lui faire mes compliments de félicitation sur l'emploi important qui lui a été confié pour la seconde fois, en l'assurant de toute mon estime et amitié, aussi bien que de la considération infinie que j'ai pour son mérite, et de la confiance que je mets en ses lumières, bien persuadé surtout qu'il reconnaît mieux que personne combien il est de l'intérêt de la Grande-Bretagne, aussi bien que du mien, que nos deux maisons soient unies ensemble, comme les deux plus forts boulevards de la religion protestante et les deux puissances les plus intéressées à conserver entre elles des liaisons capables de conserver la paix de l'Europe, quand on y sera une fois parvenu.

Vous direz, de plus, de ma part au lord Harrington qu'il n'y a que les principes outrés de son prédécesseur, le lord Carteret, son traité de Worms, le mépris qu'il a témoigné pour ma concurrence au rétablissement de la paix,368-2 le refus de tenir ce dont on était déjà convenu en quelque façon aux conférences de Hanau,368-3 son acharnement à vouloir écraser l'Empereur et le livrer, pour ainsi dire, à la discrétion de la cour de Vienne, qui m'ont forcé de prendre malgré moi le parti que j'ai pris en dernier lieu, puisque, depuis le traité de Worms et le système <369>violent que le lord Carteret avait embrassé, je ne voyais plus de sûreté pour moi, ni le moindre jour pour la conservation du système de l'Empire, celle de la dignité de son chef, et le rétablissement de ce Prince infortuné dans ses États héréditaires, ce qui ont été les seuls motifs qui m'ont obligé d'avoir recours aux moyens que la nécessité m'a obligé de choisir pour prévenir la ruine de l'Empereur et la mienne propre.

Que rien n'est plus faux et plus malicieusement controuvé que le système qu'on m'attribue, de vouloir rendre la France arbitre de l'Europe ou écraser la maison d'Autriche et profiter de ses dépouilles ; que j'avais si souvent déclaré et que je le déclarais encore que je ne demandais rien de la reine de Hongrie pour moi, que je serais content, pourvu que l'Empereur soit reconnu par elle, d'une façon illimitée, dans sa dignité de chef de l'Empire, qu'on le rétablisse dans ses États et qu'on lui donne un équivalent modique pour ses prétentions à la succession de la maison d'Autriche.

Et comme il n'y a rien dans tout cela qui puisse blesser dans la moindre chose les vrais intérêts nationaux de la Grande-Bretagne, et qui ne soit propre à faciliter le rétablissement de la paix en Allemagne, je ne doute pas que le lord Harrington ne veuille travailler de concert avec moi sur ce plan, pour parvenir à une paix raisonnable et pour rendre son ministère par là plus glorieux que jamais; que j'espérais qu'il voudrait bien me faire savoir confidemment ce qu'il pensait làdessus, et s'il n'y aurait pas moyen de moyenner la paix sur ce pied-là ; que je faisais tant de cas des lumières et des sentiments de droiture de ce ministre qu'il pouvait hardiment s'en ouvrir envers moi là-dessus.

Vous ne manquerez pas de m'en faire le rapport le plus exact, le plus tôt que vous pourrez.

J'ai oublié d'ajouter à ceci qu'aucun des traités que Carteret a faits ne m'ont été communiqués, qu'il a ouvertement intrigué en Russie pour empêcher l'Impératrice de me garantir la Silésie; tant de mauvaise volonté, dans un temps où l'Angleterre me devait des ménagements, me devait bien faire mal augurer de l'avenir.

Federic.

H. Comte de Podewils.

Nach der Ausfertigung. Der Zusatz eigenhändig.



368-2 Vergl. Bd. II, 518.

368-3 Vergl. oben S. 244. 287. 288.