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1844. AU ROI DE FRANCE AU CAMP DEVANT TOURNAI.

Camenz, 16 mai 1745.

Monsieur mon Frère. Votre Majesté verra, par le mémoire que je Lui envoie, ce que je pense sur les affaires de Bavière et de l'Empire. Les événements ne nous ont point rendu les conjonctures plus favorables ; pourvu que cela en reste là, et qu'il n'arrive point encore de ces malheurs auxquels on n'est point préparé. Je répète à Votre Majesté ce que je Lui ai dit si souvent, que je ne puis forcer le roi de Pologne de changer de parti; si ses ministres sont gagnés, ce serait peut-être le seul moyen d'opérer quelque chose, mais je regarde la chose comme impossible. Les Saxons leurrent les ministres de Votre Majesté à Dresde, ils n'ont en effet d'autre objet que de semer de la zizanie entre nous et de jeter sur moi la cause des liaisons odieuses dans lesquelles ils sont avec les cours de Londres et de Vienne.

Je suis avec toute l'estime imaginable, Monsieur mon Frère, de Votre Majesté le bon frère

Federic.

Réponse au Mémoire du roi de France.1

Il semble que le meilleur parti que l'on puisse prendre entre des alliés, est de ne point entrer dans la discussion de certains faits qui ne peuvent causer que des reproches, et ces reproches de l'aigreur; suffit que celui qui fait son apologie croie avoir besoin de se justifier.

Il ne faut plus parler de ce qui regarde la Bavière : on doit plaindre l'Électeur de ce que la nécessité l'a obligé à choisir le parti désavantageux qu'il a pris.

Il serait bien difficile d'indiquer au roi de France quels moyens sont les plus efficaces pour réparer le tort que fait au roi de Prusse la défection de la Bavière, et quand même on fournirait des idées sur ce sujet, en seront-elles pour cela plus adoptées de la France que tant d'autres suggestions qu'on lui a faites?

Nous ignorons la destination de l'armée du prince de Conty; l'on est assez instruit à Versailles de ce que le roi de Prusse pensait à ce sujet, mais on l'est aussi assez, de notre côté, du peu d'envie que la cour de Versailles a de s'y prêter, à quoi la marche de M. Batthyany avec 15,000 Autrichiens lui fournira un nouveau prétexte; enfin, on s'en remet là-dessus à ce que les hautes lumières du roi de France lui feront juger de plus utile pour le bien de ses alliés en Allemagne.

L'on prie en même temps le roi de France de ne point penser que tous les efforts qu'il puisse faire en Flandre, portent aucun soulagement au roi de Prusse; si les Espagnols font une descente dans les îles Canaries, ou que le roi de France prenne Tournai, ou que Thamas-Chouli-Kan assiége Babylone : ces faits sont tout-à-fait égaux, et personne




1 Vergl. Nr. 1843.